lundi 16 juin 2025

 



                                     Ah, on a beau dire!


                   Monsieur le Président,

La semaine passée, j'avais la tête ailleurs. Le 9 juin je n'ai pas célébré l'anniversaire de votre extraordinaire décision de dissoudre l'Assemblée nationale. 

A dire vrai mieux ce fut, car j'ai encore la gueule de bois.

Quand j'y pense me revient ce qu'écrivait Adrien Bellanger dans Les derniers jours du parti socialiste à propos de quelqu'un qui aurait pu être vous:

"Son drame et son génie c'est d'aimer tellement les coups de billard à trois bandes qu'il finit par préférer les bandes au coup" 

Depuis lors donc:

- Un premier ministre monsieur Attal gérant les affaires courantes jusqu'en septembre 2024. Trois mois. Pendant ce temps, que s'est-il passé ? Rien. S'agissant des affaires courantes c'est dans l'ordre des choses me direz-vous.

- Lui succéda un autre premier ministre, monsieur Barnier. Homme de convictions, expérimenté et compétent. Un peu trop raide peut-être. Il a tenu trois mois. Pendant ce temps, que s'est-il passé ? Rien.

- Puis vous avez nommé autre premier ministre, peu compétent celui-là malgré la longueur de sa pratique politique et la constance de son ambition. Voilà un homme qui donne à penser que sa préoccupation essentielle est de durer. Il est là depuis six mois. Depuis lors que s'est-il passé ? Rien.

Un an déjà ?

Non, un an seulement

Il en reste encore deux avant la prochaine élection présidentielle. Que va-t-il se passer  d'ici là ? Rien je le crains.

Les cavaliers s'apprêtent à rentrer dans les stalles. Ils échauffent leur monture, évaluent l'intérêt qu'ils auraient à faire sauter le gouvernement. Le reste, de toutes les façons leur importe peu puisque le temps qui vient est un temps court alors que le pays a besoin d'un temps long. En foi de quoi ils "politiçianisent".

Il est possible donc que monsieur Bayrou tienne jusque là, à moins que... 

À moins que quoi ? On ne sait pas. À défaut d'être souhaitable, tout est possible, même le pire, c'est à dire les extrêmes.. 

Il y a urgence pourtant.

Les États-Unis sont gouvernés par une administration folle sous l'autorité d'un mégalomane paranoïaque: 

Après les droits de douane,  Donald Trump a soumis au vote du Congrès un projet de budget délirant le "One Big Beautiful Bill Act" qui va impacter sérieusement l'économie mondiale et celle des pays endettés plus sérieusement encore. 

Si ce projet est voté, on y est presque, le déficit américain atteindra en 2026 près de 8% du PIB et  la dette augmentera de 2.400 milliards de dollars pour atteindre 130% du PIB.

Ce projet comprend au surplus un article 899 appelé "Revenge Tax" qui vise à instaurer une retenue à la source sur les revenus de capitaux des entreprises appartenant à des pays ayant une politique fiscale déloyale. Est déloyale par exemple la décision de la France de taxer les GAFA qui réalisent ici des profits colossaux et organisent la remontée des bénéfices pour ne pas payer d'impôts. 

Pour faire court, la plupart des économistes prévoient que les décisions de Trump plomberont  la conjoncture mondiale. La croissance sera molle pour à peu près tous les pays à commencer par les USA et pour beaucoup le service de la dette augmentera. 

S'agissant de  la France lourdement déficitaire et endettée, le poids de la dette, c'est à dire la charge d'intérêts, dépassera plus largement encore que maintenant les budgets de la défense et de l'éducation. 

Il y a tant à faire cependant, et tant à investir pour l'avenir. Au moins 100 millards d'euros par an, pour couvrir la transition écologique et le réarmement. Ajoutons la santé etc etc.

Et nous perdons notre temps.

Il y a quelques jours j'envoyais à mon vieil ami Luc une photo de la mer prise de la navette qui conduit de Dinard à Saint-Malo. 

Cultivé, facétieux et doté d'une incroyable mémoire il me renvoya cet aphorisme de la grande philosophe Léocadie Fenouillard  qui, regardant la mer s'exclama: 

" Ah, on a beau dire ! L'immensité c'est le commencement de l'infini" .

Voyez-vous Monsieur le Président, j'ai envie d'écrire  ce soir , Léocadie me le pardonnera:

"L'immensité des problème non résolus, c'est le commencement de l'infini des malheurs".


.


lundi 9 juin 2025

 




                                         Qui aurait pu nous condamner ?


C'était il y a deux ans, le 6 juin 2023.

Après d'horribles souffrances causées par un cancer dévastateur,  juste avant qu'elle soit transférée en soins palliatifs,  Anne-Charlotte a décidé de partir.

C'était notre fille.

C'était la soeur de notre fils.

C'était une jeune-femme merveilleuse.

Si, il n'y avait pas eu de possibilité de soins palliatifs,  et si elle ne s'était pas éteinte d'elle-même en ce début d'un après-midi de juin,

Dites-moi:

Si à force de douleur, à force de cris, malgré la morphine, elle nous avait demandé de l'aider à mourir.

Qui aurait pu l'en blâmer ?

Et si nous l'y avions aidée, qui aurait pu nous condamner ?

Et si nous avions refusé ? 

Si nous l'avions laissée dans ses cris, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus faire autrement que partir plus tard, beaucoup plus tard peut-être, après tant d'insupportables souffrances. 

Dites-moi,

Qui aurait pu nous féliciter ?

Je veux juste demander à celles et ceux qui sont péremptoires:

Avez-vous déja perdu un enfant ?



 



lundi 2 juin 2025

 


                                                    Cet homme est dangereux


Orgon était troublé.

Entré dans son bureau, il tira le cordon et Dorine apparu.

- Que puis-je pour vous Monsieur ?

- Allez chez Delamain et achetez La Meute, ce livre dont vous m'avez parlé. L'affaire est d'importance. Je suis fort inquiété par ce que vous m'avez dit.

- Vous avez raison Monsieur,  j'y cours.

Dorine se pressa rue Saint-Honoré . Il ne restait plus que quelques livres, car La Meute avait beaucoup de succès. Elle en saisit un , passa à la caisse où monsieur Delamain siégeait. Orgon étant en compte, elle ne le paya point.

Arrivée à demeure elle entra chez Monsieur et lui remit le livre.

Orgon demanda qu'on ne le dérangeât point et dans La Meute se plongea.

Le lendemain il écrivit à Cléante la lettre que voici. 

"Monsieur mon Beau-frère,

Je viens de lire un livre qui connait un grand succès. A dire vrai,  j'en sors fort inquiet.

Il raconte l'histoire d'un parti qui se nomme LFI et de son chef Monsieur Mélenchon.

La conclusion que j'en tire, et que je vais brièvement vous expliquer céant est la suivante: LFI est une secte et Monsieur Mélenchon son gourou qui prétend nous gouverner.

Cet homme tient tout à la fois de Joseph Staline et de Donald Trump.

De l'un il adopte les pires méthodes, de l'autre il a le caractère.

Commençons par Joseph Staline.

Le principe du Gourou est simple:  il n'y a qu'un cerveau c'est le sien et quiconque veut monter ou penser par lui-même doit être "goulaguisé".

Il  faut épurer et épurer encore, condamner et ignorer jusqu'à ses plus anciens et plus fidèles compagnons, les faire injurier par une bande de jeunes dévots incultes. Gare à celles et ceux qui y trouvent à redire, fut-ce d'un murmure.

Il suffit d'une armée de sicaires, or il en a plusieurs. Elles sont commandées par Sophia Chikirou sa très jeune compagne dans le rôle de Béria, par le taciturne Manuel Bompard le coordonateur de la secte dans celui de Malenkov, ou encore de Paul Vannier dans celui de Boulganine. Il en est d'autres qui pour rester en cour se portent volontaires. 

Le procédé est ancien , Staline le maitrisait à la perfection. Mao aussi: "On tue les compagnons de route pour faire monter des jeunes dévoués sans mémoire". Et on répète l'exercice à l'envi.

On organise sur la toile des boucles d'injures. On dénonce des supposés traitres. Il faut en effet entretenir la peur et renforcer le culte du Gourou duquel tout procède.

"Les militants sont les bras et les jambes. Je suis la tête. Je n'ai besoin de personne pour penser " a dit le Gourou. Ce ne sont pas de militants qu'il veut à son service , monsieur mon Beau-frère,  ce sont des fidèles.  

Ainsi, par exemple, va-t-on chercher celle ou celui que le Gourou invite à sa table et on prévient "Attention c'est ta chance" . Le fidèle est invité par Dieu.

Gare à lui s'il commet un impair.  On est rayé de la liste des candidats à une élection pour moins que cela.  Dix ans de militantisme réduits à néant. 

On tire la chasse et de quelle manière, violente, vulgaire, puante même.

Tenez, Cher Cléante, une courte liste des fruits de l'épuration:

Charlotte Girard, la veuve de son frère d'arme, la conscience en sorte dont il ne veut pas qu'elle témoigne: goulaguisée.

Jérôme Guedj qui n'est plus dans la secte mais demeure son "fils en politique"  et qui désapprouve ses envolées antisémites:  goulaguisé.

Alexis Corbière et Raquel Garrido qui le servaient depuis 20 ans et de ce fait avaient cru pouvoir réfléchir et parler: goulaguisés.

Clémentine Autain, qui a du caractère:  goulaguisée.

François Ruffin, qui ose penser: goulaguisé.

Au  député Davi qui avait dit un désaccord le Gourou a lancé:

"Tu n'effaceras pas le sens de ton travail de tireur dans le dos. Ne te trouve jamais au même endroit que moi".

Vous le savez, Cher Cléante, je n'ai pas les idées de tous ces épurés; je les trouve dangereuses pour la France, mais ce n'est pas ici le sujet. Je me demande tout de même pourquoi tous ces gens qui ne sont pas des sots n'ont pas pris la poudre d'escampette. Ils étaient des disciples  me direz-vous  peut-être. C'est une explication, ce n'est pas une excuse.

Il ne reste au fond que des gens sanctionnés pour avoir pensé 

La sanction peut-être formulée avec délicatesse. Jugez-en.  Tenez, de madame Chikirou. 

Après qu'elle avait fait paraître une information fausse sur un étudiant blessé dans une manifestation , des militants  inconscients lui ont demandé de publier dans les gazettes un communiqué d'excuses. Sa réponse vous ébahira:

"Cette bande de tafioles de merde n'ont qu'à se la mettre ...." .

Je vous épargne la suite à côté de laquelle ce que je viens de citer n'est que tendre bluette.

Voyez-vous mon ami au delà de la vulgarité,  en plus d'être devenu antisémites par calcul afin d'attirer les jeunes des banlieues , ils sont aussi devenus homophobes.

Du temps de Staline on traitait les épurés de hyènes lubriques

Avec madame Chikirou on a changé de vocabulaire. 

Le Gourou ne dit rien; cela doit lui convenir. 

Au moins me disais-je,  doivent-ils être intègres. 

Or il ne semble pas.

Les comptes de campagne du Gourou sont sous enquête. 

Madame Chikirou  aurait quant à elle gagné beaucoup d'argent en facturant au prix fort ce qu'elle payait au prix faible, sachant qu'à la fin c'est l'État qui paierait. En foi de quoi, la dame est mise en examen pour "escroquerie aggravée" et "abus de biens sociaux". 

Parlons de Donald Trump, maintenant.

Deux citations encore et je vous laisse en paix:

De Pierre-François Grond qui le connaît bien:

"Plus on le voit, plus on voit qu'il a une incapacité à accepter autre chose que la soumission individuelle".

Et du Gourou lui-même:

"Je suis le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas".

Donald vous dis-je !

Un proche du Gourou cité par les auteurs de La Meute leur dit amusé:

"Le problème de Mélenchon c'est qu'il est fou."


Fou je ne sais pas, mais dangereux c'est certain.

Terriblement dangereux.


Monsieur mon Beau-frère, faites-moi visite un jour. 

Nous nous entretiendrons de la sagesse et de l'honnêteté car vous êtes un sage et un parfait honnête homme. 

Vous me ferez grand bien.







lundi 26 mai 2025

 



                                            Voyage au coeur de la nuit.


Un petit garçon court. 

Il fait chaud, il a soif, il bute et tombe. Il a mal, il pleure.

Une main dépassait sous les gravats qu'il n'avait pas vue dans le soleil du matin. 

Il s'approche le petit garçon, soulève une pierre. Avant c'était un mur, celui d'un immeuble délabré. Il n'y a plus d'immeuble, juste cette pierre parmi d'autres, et cette main décharnée d'un vieux ou d'une vieille.  

Il n'est pas assez fort le petit garçon pour retirer les autres pierres. Trop lourdes. Alors il ne sait pas si c'est un vieux ou si c'est une vieille.

Il se relève, essuie le sang sur son genou écorché et poursuit son chemin, en marchant.

Il y en a tellement des mains et des pieds aussi, et puis des ventres de mères grosses de leur enfant mort.

Il sont plus de 60.000 à être morts sous les bombes à Gaza et jusqu'à jeudi dernier où le corridor humanitaire s'est entrouvert un peu, d'autres encore, morts de soif et de faim.

Le 7 octobre 2023, les barbares du Hamas qui ne sont pas le peuple de Palestine, ont réveillé ceux de Jérusalem qui ne sont pas le peuple d'Israël.


Très au nord à plus de 3500 kilomètres, une petite fille pleure.  Déportée sur ordre d'un dictateur impitoyable, avec 20.000 autres enfants ukrainiens, pour être "russifiés". 

Peut-être ses parents sont-ils morts ?  Comme 12.000 civils.

Et son grand frère aussi, avec les 35.000 soldats qui, comme lui, ont simplement voulu défendre leur pays agressé. Et plus de 100.000 soldats russes qui n'avaient pas demandé à être là.

Quand le moment du monde à l'envers est venu et que c'est être fou que de demander pourquoi on vous assassine, il est évident que l'on passe pour un fou, à peu de frais.

Céline Le voyage au bout de la nuit.

Pendant ce temps celui qui allait arrêter le conflit ukrainien en huit jours et qui veut transformer Gaza en riviera, joue au golf. En trichant.




lundi 19 mai 2025

 



                                  Quelle idée saugrenue !



    Voyons, monsieur le Président !  Qui a pu vous souffler cette idée saugrenue de vous exposer trois heures durant il y a quelques jours devant les caméras de TF1 ?

Car, soyez juste.

 En dehors du moment d'émotion que vous avez ressenti, comme nous,  en écoutant Charles Biétry vous dire qu'atteint de la maladie de Charcot il souhaitait pour lui et les siens qu'on lui laisse la liberté de choisir sa fin de vie. En dehors des mots forts et justes avec lesquels vous lui avez répondu.

En dehors aussi de vos mots sur Gaza et de votre discussion avec Darius Rochebin sur la politique étrangère sujet sur lesquels, comme souvent, vous avez été bon.

En dehors donc de cela, quoi d'autre, pour justifier ces heures interminables face à des contradicteurs qui étaient venus pour vous crucifier ?

Était-ce à vous de disputer avec la secrétaire générale de la CGT à laquelle vous avez fait, par parenthèse, l'honneur et le plaisir d'avoir été choisie à la place de celle de la CFDT, pourtant bien plus constructive et représentative ?

Était-ce à vous d'engager une stérile bataille de chiffres avec la présidente d'un "think-tank" libéral au demeurant honorable ?

Était-ce à vous de débattre des amendes forfaitaires et des caméras dans les villes avec le maire de Béziers qui, il y a peu, était "zemmourien" ?

Oui, qui a pu vous suggérer cette idée saugrenue ? Et comment avez-vous pu vous laisser séduire ? 

A moins qu'elle ne vous soit arrivée seule et que vous vous soyez dit: "la manoeuvre est habile, ils ne feront pas le poids, c'est l'occasion de reprendre la main."

N'avez-vous donc pas grandi ? 

Car il ne le fallait pas, évidemment. 

Vos contradicteurs ont été bons. Préparés à punir et pouvant vous interrompre à l'envi comme dans un préau d'école lors d'une campagne pour les élections départementales, leur tâche était aisée.  

À TF1 ce soir là,  ce n'était pas votre place.

Vous n'avez pas de premier ministre, me direz-vous, c'est vrai. 

Est-ce une raison d'abimer votre fonction ? 

Voyez-vous monsieur le Président, vous entendant je me suis dit une fois encore: 

Quelle mécanique intellectuelle !  

Quel brio ! 

Et puis, je  me suis rappelé Cioran cité par Philippe Labro dans "J'irai nager dans plus de rivières": 

"Est bavardage toute conversation avec quelqu'un qui n'a pas souffert."

Je me demande si ce n'est pas votre problème, monsieur le Président, et par là-même le nôtre.



 




lundi 12 mai 2025

 



                           Le pauvre homme ! (*)


ORGON:

Ah Dorine, attendez je vous prie: 

Il me faut des nouvelles de ce qui est ici.

Je reviens de la Trappe, j'y ai passé un an.

Tenu par la prière, j'ai ignoré le temps.

Tant de jours sont allés.

Qu'est-ce qu'on fait céans?

 Les choses vont-elles bien?


DORINE:

Rien ici n'est brillant.

Quelqu'endroit que l'on aille,

On étrille, on chamaille,

Ceci est désolant.


ORGON

Commençons au hasard.

Et Wauquiez ?


DORINE

Ah lui va bien Monsieur, 

Il bat la campagne, change souvent d'idée.

En a-t-il, je ne sais pas.

Peu importe d'ailleurs,

La seule chose qui compte est battre Retailleau.


ORGON

Le pauvre homme!

Et que dit Retailleau ?


DORINE

Toujours la même chose, il faut le reconnaitre.

Fidèle à ses idées, mais se rigidifiant. 

C'est l'arthrose Monsieur, l'homme n'est plus tout jeune.

Il veut le même fauteuil.

Mais à son ministère il lui faut travailler,

Il a donc pour ce faire, beaucoup moins de son  temps.


ORGON

Le pauvre homme!

Mélenchon est bien vieux, 

Eructe-t-il toujours ?


DORINE

Ah ça pour éructer, il éructe c'est sûr.

Bien davantage encore.

Il crie, il vocifère, exclut et injurie.

Jette des anathèmes à quiconque

Ne lui baise pas les mains.

Un ouvrage a paru, qui s'appelle La meute

À le lire on pourrait parfois rire,

Mais il faut en pleurer.

Voilà un triste personnage.

Les hommes sont comme les vins, Monsieur,

C'est l'âge qui les révèle.

Lui se prétend grand cru,

Ce n'est qu'aigre piquette.


ORGON

Le pauvre homme !

Et les autres ?


DORINE

Lesquels voulez-vous dire?

 Il en est tant et tant.


ORGON

Eh bien, voyons Dorine!

Ceux qui comptent ou qui veulent compter.


DORINE

C'est bien ce que je dis.

Hors le maire du Havre ,

Qui parle peu et travaille,

Ils accourent de partout.

Discourent, se disputent sur des idées semblables.

Donnent des interview, 

Et puis emploient des "nègres"...

Silence. Dorine met la main à la bouche

Pardonnez-moi Monsieur, c'est un mot à blâmer,

Madame Rousseau sait bien ce qu'il convient de dire,

Mieux que le grand Senghor, c'est qu'elle est députée.

Alors je recommence:

...emploient donc des plumes pour écrire à leur place.

Car tout être politique doit avoir publié. 

Olivier Faure l'a fait.

Attal maintenant s'y met.


ORGON

Le pauvre homme!

Et Madame Le Pen ?


DORINE

Ce n'est pas simple Monsieur, car elle est condamnée,

Pour avoir détourné quelques sous

Qui venant de Bruxelles auraient dû y rester.

Or ils ont voyagé. 

Elle pourrait dans deux ans être bien empêchée.

Mais son dauphin est là, à défaut d'être prêt.

Il l'a dit, 

Et il piaffe.

Il espère sans nul doute remplacer sa patronne.

Il faut craindre les ambitieux,

La Dame est furieuse et ne le poussera point.

 

ORGON 

Le pauvre homme!

Quel triste paysage.

 Il faut garder espoir.

Matignon m'a-t-on dit a pris le Béarnais.

Voilà qui change la donne !


DORINE

C'est l'inverse Monsieur.

"L'endroit" ne se fait pas. (le regard malicieux, elle sourit de son mot)

Perdu, fatigué ne sachant comment faire

Pour sortir de l'ornière où il s'est affaissé,

Il lui vient une idée tout à fait bayrouienne:

Faire un referendum sur les finances publiques.

Me voyez-vous voter sur un sujet pareil ?

J'ai déjà bien du mal avec mes maigres gages.

Ce que je sais Monsieur, je le tiens de mon père.

À trop dépenser, on dépend des banquiers.

Cela n'est jamais bon.  

Quant au referendum, je n'y comprends que goutte...


ORGON consterné

Le pauvre homme!


DORINE

Je ne vous le fais pas dire.

J'ai lu dans les gazettes qu'il faisait une bourde.

Que c'était sur ceci, au président de faire.

Mais comme je vous l'ai dit le bonhomme est perdu

Il croit en son étoile mais n'a plus de boussole. 


ORGON

Le pauvre homme vous dis-je!

Mais espérez Dorine, un nouveau Pape est là.

Il s'appelle Léon, c'est un homme de bien,

La misère l'attriste.

Il a le regard doux.

Et veut la paix sur terre.


DORINE

Le pauvre homme !


(*) Très libre adaptation de la scène 4 de l'acte 1 du Tartuffe ou l'Imposteur de Monsieur Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière.

 



lundi 5 mai 2025

 



                                                        Sauf que,


Leur machiavélisme va pour ainsi dire au jour le jour, et consiste à être toujours là, prêts à tout, prêts à profiter du mal comme du bien, à épier les moments où la passion leur livre un homme.

Balzac: Illusions perdues


Leur philosophie de vie n'est pas fondée sur la gestion compétente de ce qui existe, mais plutôt sur une sacrée envie de foutre le bordel.

Da Empoli: L'heure des prédateurs


Balzac parlait des journalistes, Da Empoli des "seigneurs de la tech", qu'il appelle les borgiens en référence aux Borgia. 

Ces hommes qui alignés, en rang d'oignons, assistaient heureux à l'intronisation du premier président des États Unis qui ne lit pas et qui augmentera leur puissance.

Relisant, Illusions perdues et lisant L'heure des prédateurs, je me suis dit "Décidément, rien n'a changé".

Sauf que:

S'il est vrai qu'aussi longtemps que remonte l'histoire, les hommes ont travaillé à tromper, accuser faussement et trahir au service de leurs ambitions, si la progression des moyens dont ils ont disposé, - les livres, puis les journaux, puis les médias modernes-  a servi leur volonté de puissance , nous avons franchi avec les réseaux sociaux et pire, l'Intelligence Artificielle, un palier qui me fait craindre l'irrémédiable.

Sauf que les "génies" de la tech - dont par parenthèse l'un, Elon Musk,  avoue être atteint  du syndrome d'Asperger tandis qu'un autre  Sam Altman le PDG d'OpenAI créateur de ChatGPT  dit benoîtement "être déconnecté de la vie des gens"- ont créé des dévoreurs de cerveaux. 

Face à un public qui ne lit pas, qui passe son temps sur les réseaux sociaux, ils ont créé les conditions de leur décervellement.

Et c'est ce qu'ils cherchent.

Ils rêvent d'un monde sans école, sans administration, sans employés de bureaux dans lequel leurs outils assureront la gestion de la Cité.

Un monde dans lequel, on ira chercher ce qu'il reste de cerveau chez chaque électeur, dont on connaîtra les opinions grâce à la captation de leurs comportements d'achat en ligne, grâce à celle de leurs navigations  sur le Net, pour influencer, que dis-je, fabriquer leurs votes.

Kissinger cité par Da Empoli demande:

" Qu'adviendra-t-il de la conscience humaine,  si son propre pouvoir explicatif est dépassé par l'Intelligence Artificielle et que les sociétés ne sont plus en mesure d'interpréter le monde qu'elles habitent en des termes qui ont un sens pour elles ?"


Oui Rien a changé.

Sauf que cela risque fort d'être bien pire.

Sauf qu'il nous reste:

- Les livres écrits par de vrais écrivains, comme le très beau "La petite bonne" de Bérénice Pichat . 

- Un concert dans lequel jouraient Nelson Goerner,  Edgar Moreau, et Hilary Hahn par exemple.

- Un film réalisé et interprété par des hommes et des femmes comme "Ce nouvel an qui n'est jamais arrivé "ou "La chambre de Melania" , sortis récemment.

- Tant de peintres magnifiques, comme David Hockney, pour celles et ceux qui, contrairement à moi, distinguent bien les couleurs.

 Sauf que, comme je l'écrivais le 25 mars,  l'Intelligence Artificielle ne remplacera pas le génie.

Alors lisons, allons au concert, au cinéma et au musée; c'est peut-être le meilleur moyen de combattre la bête qui cherche à nous dévorer.