Ah Jean-Luc, vilain garçon que vous êtes !
Je devrais sans doute vous tutoyer. J'imagine que c'est l'usage quand on s'adresse à un Insoumis. Mais comme dans un temps pas si lointain vous avez proclamé, hurlé même, " la République c'est moi", vous comprendrez que je n'ose pas.
Revenons à notre affaire.
Votre coup est magnifiquement pensé:
Vous adoubez madame Castets, la poussez à Matignon bien qu'elle soit politiquement "impure" et annoncez dans la foulée que votre mouvement, par esprit de sacrifice, la soutiendra sans participer au gouvernement. Que voulez-vous que je vous dise, c'est tout simplement génial
Car une fois nommée , tel une veuve respectant le délai de viduité, vous pourrez après quelques semaines faire tonner, envoyer des éclairs et, jupitérien, faire tomber la foudre et ne plus soutenir ce gouvernement qui vous aura trahi.
Car il faut qu'il vous trahisse! En ne respectant pas strictement et ponctuellement votre programme par exemple. Madame Castets a d'ailleurs commencé à le laisser entendre et vous n'avez pas bronché, malin que vous êtes.
A dire vrai, j'en suis certain, quand bien même elle respecterait votre programme, puisqu'il le faut, vous trouveriez un prétexte.
Ainsi la France devenue ingouvernable, le Président ne pouvant dissoudre avant le 7 juillet 2025, serait contraint de démissionner. Voilà votre fabuleux calcul.
Convaincu d'ailleurs que vos intérêts convergent avec ceux de Madame Le Pen dans cette première étape, vous êtes certain qu'elle prêtera sa main à votre géniale manoeuvre.
Alors, pourrez-vous tenter une nouvelle fois votre chance.
Votre calcul est le suivant, on commence à vous connaître: j'arrive certes en deuxième position derrière Marine Le Pen, mais le barrage me profitant, je suis élu au second tour et me voilà Président.
Ah Grand Leader, vous êtes un mauvais garçon sans doute, mais quel génie vous faites. Vous en êtes d'ailleurs vous-même convaincu.
Sauf que... madame Castets ne sera pas première- ministre parce que le Président n'en veut pas. Convaincu qu'il est, à bon droit, que même sans vous, le Nouveau Front Populaire n'aura pas de majorité.
Il va donc falloir que vous trouviez autre chose. Ne trainez pas, le temps vous presse.
Croyez-moi, j'ai une année de plus que vous. A notre âge les années peuvent compter davantage. Il arrive que la patrouille nous rattrape plus tôt que prévu. Les vilains garçons faiblissent aussi. Comme l'avait écrit George Open à Paul Auster -cité par Geoff Dyer dans Les derniers jours de Roger Federer- à propos de sa propres vieillesse: "C'est étrange ce qui peut arriver à un petit garçon".
Il faudra bien que vous vous en aperceviez.
Ne manquez pas ce coup là parce qu'après, vous serez périmé. A la vérité ne l'êtes vous pas déjà, vilain garçon ?
Les gens finiront par se dire "quatre fois, quatre échecs, ça fait trop."
Tenez, je vais vous donner un conseil. En vieillissant on est atteint par la voussure. Profitez-en pour regarder vers le bas; vous verrez qu'en dessous de vous, ça s'impatiente.
Allez bon courage !
Ah j'oubliais! Le score de votre ami Maduro est bien meilleur que ce que l'on avait annoncé: selon ses propres services ce ne sont pas 11 mais 27 opposants qui ont été tués par balles.
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Comme d'habitude, très bon papier du constitutionnalise Dominique Rousseau dans Le Monde daté du 23 août.
Il rappelle notamment une évidence que les commentateurs semblent parfois oublier.
Quand le Président dispose de la majorité au parlement il choisit et nomme le premier ministre. Quand une majorité est opposée à lui, il nomme le premier ministre désigné pas son opposition: Chirac en 1986, Balladur en 1993 et Jospin en 1997.
Aujourd'hui, face à un parlement sans majorité, il attend qu'une coalition se forme et lui propose un nom.
Reste que cela semble bien compliqué.
Reste qu'il va bien falloir qu'on en sorte, il faut voter le budget. Les délais sont stricts, on ne peut pas attendre la Saint-Glinglin
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Allons, montons en haut des cimes.
Je viens de lire Le Grand vestiaire de Romain Gary.
C'est son troisième roman. Il en a écrit une trentaine sous son nom ou sous divers pseudonymes dont Emile Ajar.
Le Grand vestiaire a été écrit entre 1947 et 1948. Gary sort de la guerre, c'est un héros. De Gaulle l'a fait compagnon de la libération en novembre 1944.
C'est déjà un triste observateur des hommes, tournés vers eux-mêmes, mesquins, égoïstes, lâches, que les drames vécus n'ont pas élevés.
"Il n'y a pas de plus grand péril qui nous guette que l'étrange difficulté que nous éprouvons à reconnaître l'homme dans l'homme et la pitié, seule, parfois nous révèle sa présence autour de nous."
A la toute fin, quand Luc, le héros et narrateur , fils de résistant mort au combat, tue d'une balle dans la nuque Vandeputte le pitoyable collaborateur et trafiquant dont, au fond, il avait eu pitié, il n'en a plus. Il dit :
"Je pouvais maintenant retourner parmi les hommes"
S'avance dans ce livre l'immense écrivain, des Racines du ciel et de La vie devant soi , entre autres.
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D'autres cimes encore.
Hier j'ai regardé et écouté sur YouTube, casque sur les oreilles, le IVème concerto de Beethoven donné en concert au Musikverein de Vienne en 1989. Le philharmonique de Vienne, Bernstein à la baguette et Zimerman, au piano. Le document, remasterisé est exceptionnel.
Bernstein avait 71 ans. Il allait mourir un an plus tard.
Zimerman en avait 33.
Deux géants. En musique un père et son fils communiant dans une interprétation magistrale.
Immense émotion qui m'a rappelé celle que j'avais ressentie en 2007 au Théâtre des Champs- Élysées. Dans le même concerto Louis Lortie était au piano. Kurt Masur qui faisait ses adieux à l'Orchestre National de France, dirigeait .
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Dieu que l'air des cimes fait du bien!