lundi 25 novembre 2024

 




                                Comment ça se juge, ça ?


Dites-moi, c'est quoi la différence entre celui qui vient une fois, deux fois , trois fois ou six fois  violer une femme sédatée, devant son mari qui filme ? 

C'est quoi la peine pour celui qui est revenu une seule fois ?

Pour celui qui est revenu trois fois ou six fois ?

C'est quoi la différence, en années de prison ?

Est-ce que trois est moins horrible que six ?

C'est quoi la peine pour le monstre en chef, le cinéaste pervers, l'organisateur du bal des violeurs, qui a avoué avoir lui-même violé  sa femme endormie, 3 ou 4 fois par semaine quand les autres n'étaient pas là.

Madame Pelicot a été sédatée. Elle était donc incapable de manifester ou d'exprimer quoi que ce soit. 

Qu'elle ne puisse rien dire, qu'elle ne puisse rien faire d'autre que subir sans conscience, c'est ce qu'ils voulaient. 

C'est un fait aggravant d'un crime déjà considérable. Les monstres risquent donc 20 ans de prison. 

Seulement. 


Les juges professionnels de la Cour criminelle du Vaucluse, ont sur leurs épaules une  charge considérable;  car de leur jugement et de ses motivations naîtra peut-être, on l'espère,  le début du recul de la culture du viol.

S'agissant des violeurs, bien sûr qu'ils doivent être défendus. 

Mais dites-moi, c'est quoi la tolérance que l'on accorde à une avocate qui, pour défendre les monstres, attaque la victime? Est-ce que tout est permis quand on porte la robe ?

Il est des moments où l'on a des idées barbares, où l'on se prend à souhaiter que l'avocate soit radiée et que le viol soit puni par le viol.

Mais il ne le faut pas, évidemment.

Dans Artifices, Claire Berest a écrit"Il faut bien de la démocratie pour passer tant de temps à sonder un homme qui a reconnu un jour qu'il a tué sa femme."

Dominique Pelicot et ses associés dans l'immonde ont fait pire, bien pire. Ils ont massacré une femme dont le courage et la dignité émerveillent, et ils ont massacré ses enfants.

Pelicot a déclaré, "je vais mourir comme un chien"

J'espère bien que non; ce serait trop doux.


 




lundi 18 novembre 2024

 


                                                  Un sourire jusqu'aux oreilles



L'académie Goncourt a couronné un grand livre; cela lui arrive: Houris de l'écrivain algérien Kamel Daoud, publié chez Gallimard.

En 2013,  Kamel Daoud avait obtenu le Goncourt du premier roman  pour "Meursault, contre-enquête").


Je vais tâcher de faire court, ce n'est pas si simple, tant il est difficile de parler en quelques lignes de ce livre si dense, si plein d'humanité et, ce qui ne gâche rien, si bien écrit.

En Algérie, le 31 décembre 1999,  dernier jour de la guerre civile,  des barbares barbus envahissent une ferme et égorgent tout ce qu'ils trouvent: hommes, femmes et enfants. 

Cette nuit-là , ici et ailleurs, il y aura mille morts.

Sous une couverture, une fillette de cinq ans est égorgée, comme sa sœur contre laquelle elle tentait de dormir, par terre, sous une couverture. Tout le monde meurt sauf elle qui en réchappe, la tête presque séparée de son petit corps. "Loupée" en quelque sorte. Il lui restera son nouveau sourire; il va d'une oreille à l'autre. Mais, cordes vocales tranchées, elle ne peut parler.

Trouvée le lendemain, 1er janvier 2000, rescapée, sauvée,  elle est adoptée par une avocate anxieuse et aimante qui lui donnera le nom de Fajr, Aube en français. 

Ce livre est l'histoire de l'Algérie  et des femmes algériennes, racontée par cette enfant, vingt ans plus tard.

 Ce livre est l'histoire de l'obscurantisme, de la barbarie et de l'oubli. 

Ce livre c'est tout cela dit par Aube de sa "voix intérieure",  au foetus qu'elle porte - une fille elle en est convaincue, il le faut d'ailleurs-. Elle l'appelle Houri. Dans le Coran les houris sont des très belles femmes promises dans le paradis aux musulmans fidèles. Voilà les choses annoncées: la femme est livrée à l'homme c'est son destin. 

Sur terre dans tous les cas, c'est l'enfer. Aube dit à Houri à propos des hommes: "Dieu leur conseille de se laver le corps après avoir étreint nos corps interdits à la lumière du jour. Ils appellent ça"la grande ablution" car nous sommes la grande salissure. Que veux-tu lui dit-elle "toutes les femmes sont comme moi, ...C'est ça être femme ici; le veux-tu vraiment ?"

"Une femme a droit à la moitié de l'héritage d'un homme selon la loi de Dieu, dans ce pays"

"pourquoi ce Dieu nous hait-il tant, qu'avons-nous fait pour le mettre en colère depuis trois mille ans ?"

Aube décide alors d'emmener Houri voir le théâtre de son enfance avortée, de parler à l'âme de sa sœur morte,  puis après, d'avaler les 3 pilules qu'un médecin lui a données pour qu'elle puisse "éjecter" si elle le souhaite.  La scène de la consultation dans le cabinet du gynécologue est saisissante. 

Agressée en chemin , elle  perdra sa voiture et continuera pieds nus jusqu'à ce qu'un chauffeur à moitié borgne et estropié la recueille dans son camion 

Il s'appelle Aïssa qui veut dire Jésus.

 Personnage extraordinaire, physiquement et moralement. Fils d'un intellectuel marié à une femme d'intérieur,  libraire ne sachant pas lire, "hypermnésique" il publie, transporte et livre les seuls ouvrages autorisés par les barbares à l'époque: des livres de cuisine et le Coran. 

Il se rappelle tout et demande à Aube:

 "Dis-moi un chiffre"

"Six"

"6 janvier 1997: massacre de citoyens à la cité des Oliviers à Douaouda (Tipaza): 23 morts. Parmi les victimes figurent 3 enfants et 6 femmes.

Ce chiffrage, c'est la mémoire indispensable, l'impérieuse nécessité des chiffres sans lesquels il n'y a pas de vérité. Aïssa est la mémoire bâillonnée. 

Il a perdu l'usage d'une jambe à la suite d'une attaque terroriste. Il veut raconter ce qu'il a vécu. D'ailleurs, "l'émir loup" le lui a ordonné:

" Tu vas aller partout et raconter ce que tu as vu. Je suis la colère de Dieu, sa punition." 

Alors il livre ses livres, et dit ce qu'ont fait les monstres. 

Seulement voilà, il y a eu en 2005 le "Décret de mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale »  qui dispose:

"Est puni d’un emprisonnement de trois à cinq ans et d’une amende de 250 000 à 500 000 dinars quiconque qui, par ses déclarations, ses écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’Etat, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international. "


Alors il trouve en Aube, le témoin idéal de ce qu'ils ont fait ces barbares barbus. Il veut l'emmener à Batna, sa ville, celle de son père éditeur et libraire qui avait deux femmes, sa mère et les livres,  là où on ne veut plus l'entendre. Parce qu'Aube n'a pas besoin de raconter il suffit qu'elle montre.

"Une jambe plus courte, ça ne vaut rien face à une cicatrice au cou".

"Ma fille, tu es l'unique preuve"

 Aube poursuivra  son voyage, jusqu'à son village et là... je m'arrête.

Je vous laisse la suite extraordinaire, comme tout ce qui précède. 

Juste un mot encore pour vous dire que ce livre est un cri sur la nécessaire mémoire, sur  l'oubli forcé qui est une offense aux morts, que c'est un hommage à la femme et que Kamel Daoud, qui se met dans l'âme et dans le coeur d'Aube, parle en elle avec un talent fou et que c'est un très grand écrivain. 





lundi 11 novembre 2024

 


                                                Le Cow-boy et la Vieille Dame


Le Cow-boy entra du fond de la scène. À grand bruit.

La Vieille Dame était là, assise sur une pauvre chaise en bois jaune, un fichu sur la tête, comme pour cacher sa peur.

Lui, rouge, la mèche laquée, la cravate rouge aussi, pendante sur un ventre que l'âge et l'abus des Mac Do ne lui permettaient plus de cacher, santiags aux pieds,  brandit son doigt, bras tendu à la face à la Vieille Dame et hurla:

 "Tu vas voir la Vieille: droits de douanes, extraction du pétrole, Ukraine, fake news - au cas où tu ne saurais pas avec Musk j'ai X dans ma main-  ça va tanguer vielle idiote !" 

 Puis, emporté par sa gloire, il explosa d'un méchant rire vulgaire, lui qui pourtant ne riait jamais.


Comme si elle l'ignorait, la Vielle Dame se tourna vers la public et chanta à la manière d'une complainte :

" J'ai la France qu'est en transe,

  En Allemagne ça se castagne,

  L'Italie se raidit

  En Belgique y a rien de chic

  En Hollande c'est pas tendre,

   J'ai l'Espagne qui se soigne.

  En Hongrie c'est pourri.


  Bon Dieu qu'c'est embêtant 

  D'être toujours patraque

  Bon Dieu, qu'c'est embêtant

  De n'avoir plus d'amant"


Elle se tût, une minute, davantage peut-être. 

Puis se leva, saisit un micro caché dans les coulisses et après avoir parodié Ouvrard,  se tourna vers le ciel d'où Brel la regardait sans doute et de sa voix qui était encore belle, la Vielle Dame chanta doucement :


"Les vieux ne rêvent plus,

Leurs livres s'ensommeillent, 

Leurs pianos sont fermés.

Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter.

Les vieux ne bougent plus, 

Leurs gestes ont trop de rides, 

Leur monde est trop petit,

Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil,

Et puis du lit au lit"


Dans le silence le rideau se baissa. 

Le public était triste; il sortit sans un mot.


C'était presque la nuit. 




 




lundi 4 novembre 2024

 



                                                     Ça va mal finir


          C'est ainsi qu'en 2008, François Léotard, qui avait une bien belle plume, avait titré un petit livre plein de colère à peine rentrée. Le sujet: les excès du président de l'époque allaient au bout du compte renforcer l'extrême droite et l'amener au pouvoir.

Il s'est trompé sur l'imminence, pas sur la tendance.

Léotard avait écrit "J'ai voté Sarkozy et depuis je dors mal"

J'ai voté Macron et depuis quelques temps je dors très très mal. Nous sommes nombreux, sans aucun doute.

Avions-nous d'autre choix ? Cela ne console pas.

Le spectacle que nous donnent à voir les députés abêtis par la dissolution est affligeant: retournements constants, alliances contre nature et contre programmatiques, basses manoeuvres pour empêcher l'autre au prix du bureau de l'assemblée confié majoritairement au Nouveau Front Populaire, c'est à dire à Mélenchon, aussi.

Les écuries des nains ambitieux à la manoeuvre,  au prix des intérêts de la France, - voyez le cirque du projet de loi de finances. Au bout du compte la relégation possible de sa dette.

Pendant ce temps, accompagnant au Maroc une délégation de chefs d'entreprises partis signer d'importants contrats, le Président s'était entouré d'une suite nombreuse - couteuse en cette période de disette-  et baroque pour le moins. Cette suite comprenait notamment trois repris de justice, l'un pour violences volontaires, le deuxième -militant de l'islamisme politique-  pour avoir proféré des menaces de mort, le troisième pour avoir abusé - très grassement- de la vieillesse d'une vieille dame milliardaire.

Dans le Figaro, Albert Zennou titre son billet:

"Qui imagine le général de Gaulle inviter trois repris de justice lors d'une visite d'État".

Puis-je ajouter: 

" Qui imagine le Général élever Bernard Arnault à la dignité de Grand-croix dans l'ordre de la légion d'honneur  - la plus haute des dignités rien que cela !-   pour un homme qui a préféré le "plaider-coupable" à la condamnation par la justice dans l'affaire de sa tentative de s'emparer d'Hermès par des moyens frauduleux , et dont deux collaborateurs proches sont aux prises de cette même justice pour espionnage de concurrents et traffic d'influence."

Qui imagine le Général ne pas dissuader sa femme - c'est idiot elle n'aurait jamais eu cette idée Tante Yvonne- d'aller au défilé de présentation de la nouvelle collection Dior appartenant au dit Bernard Arnault".

S'agissant de madame Macron, si vous la croisez, pouvez-vous lui souffler dans l'oreille qu'en France des gens souffrent; elle ne doit pas le savoir. À moins qu'elle s'en moque.

Nous ne sommes pas les seuls à vivre des moments difficiles me direz-vous: en Allemagne le PIB recule - cela ne nous arrange pas-  et la coalition n'est d'accord sur rien -cf. mon article du 24 juin-. C'est le bazar. En Espagne cela risque de l'être bientôt. Avant d'autres.

L'Europe piétine, donc elle recule. 

La Géorgie vient d'élire un parlement  pro-russe au terme d'élections truquées, et le Président du Conseil Européen pour deux mois encore, le hongrois Viktor Orban, s'en félicite.

Que se passe-t-il ensuite ?

Rien.

La voix de la France ? Elle ne porte plus au-delà de la grille du Coq.

Pas de budget, pas de majorité de gouvernement. Même pas de majorités de projets pour paraphraser Edgar Faure.  La cavalcade des nains, un premier-ministre qui s'épuise et, à la tête de l'État, un président qui ne dirige plus rien après avoir dirigé trop. 

Ça va mal finir.



Demain, élections aux États-Unis. 

Des dizaines de millions de doigts qui se croisent, dont les miens.


Dans "Ton absence  n'est que ténèbres" l'écrivain islandais Jón Kalman Stefánsson a écrit "Dieu ignore les questions dont seul l'homme a les solutions."

Eh bien s'il existe, Dieu a tort.



   Samedi soir à Versailles, au Théâtre Montansier , bourré à craquer, soirée magnifique avec Gaël Faye pour la présentation de Jacaranda, primé cet après-midi par le Renaudot (Voir mon article du 16 septembre)

Tant d'intelligence, de talent et d'humanité. 

Du baume au coeur et de l'espoir tout de même. Un peu .