lundi 24 juin 2024

 


                                            La respiration caverneuse.


Pour dire vrai, ni les Outrenoirs de Soulages, ni les peintures et tapisseries de Lurçat, ni l'abbatiale de Conques, ni l'Aveyron ni le Lot d'une telle majestueuse beauté, ni ces jours passés  avec des amis très chers ne m'ont redonné le moral.

J'ai relu mon précédent article et suis bien triste de ne pas m'être trompé.

Ciotti veut préserver son siège et  gagner la mairie de Nice au prix de l'éclatement du parti qu'il préside. Et de la France peut-être. 

La gauche républicaine fait cause commune avec la gauche extrémiste de Mélenchon. Au prix de la France peut-être.

La "majorité" présidentielle a la gueule de bois.

Le Président est content d'avoir "lancé une grenade dégoupillée dans les jambes des partis".  Au prix de la France peut-être.

A titre subsidiaire, quoique..., le Premier ministre a été informé de la décision de dissoudre après que Pascal Praud chroniqueur dans les médias Bolloré (cf. mon article du 23 février dernier)- personnage considérable il est vrai- l’ait été, (oui vous avez bien lu) par un zozo qui fait office de "conseiller mémoire" de monsieur Macron et qui manifestement n'en a pas beaucoup.

 L'article 12 de la constitution dispose pourtant: 

"Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale." 

Tout cela pour quelles perpectives?

Il n'y en a qu'une qui, pour moi, serait consolante, c'est qu'au terme du second tour:

-  ce qui reste du parti présidentiel et de ses alliés du Modem et d'Horizon, 

- ce qui reste des Républicains 

- ce qui reste de la gauche républicaine qui reviendra probablement avec davantage de députés.

...aient au moins 289 élus et décident de faire cause commune.

Mais, m'objecterais-je, à supposer que tu ne rêves pas,  une alliance entre des partis dont les programmes sont opposés ne conduit à rien hors la pagaille. Regarde l'Allemagne, idiot! 

Le PSD gravement estropié, les verts affaiblis, et le parti libéral en état de mort cérébrale, voilà où en est l'Allemagne. 

Vous connaissez le dicton: "quand c'est flou,  y a un loup".

Mais le flou, est aujourd'hui préférable; nous en sommes là, tristement.


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Au fait, monsieur le Président, on parle pouvoir d'achat, déficits, dettes etc.  et on a bien raison. 

Mais dites-moi il y a d'autres sujets tout aussi importants, à tout le moins. Comment allez-vous faire avec un ministre des affaires étrangères RN ?  Avec un ministre  de la défense RN?  Avec un ministre de l'intérieur RN ?  

Vous me direz " c'est moi qui nomme".  C'est vrai mais sur proposition du Premier ministre.

 Il y aura donc blocage, possiblement. 

Alors qu'envisagerez-vous ? Un nouvelle dissolution?  Votre démission , vous qui ne pouvez plus vous représenter?

Comment allez-vous faire quand vous n'aurez plus la main, de facto, sur les services de renseignements intérieurs et extérieurs ? Comment allez-vous faire quand vous n'aurez plus la main sur l'aide à l'Ukraine et que le gouvernement aura, lui,  la main sur tout cela et sur les moyens financiers que vous aviez prévus, à juste titre, d'allouer là-bas, alors que votre Premier ministre préfèrera Poutine à Zelenski ? 

Ce qu'en a dit François Heisbourg,  autorité internationalement reconnue,  dans Le Monde le 19 juin  est tristement éclairant.


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 Je viens de lire Kafka: le Procès; (il y a des oeuvres que j'ai tardé et tarde encore à aborder, comme les derniers quatuors de Beethoven).

Nous sommes en "Absurdie".  Absurdie judiciaire, éthique, humaine, économique entre autres - et  chez Kafka, cela se termine mal.

Samanta Schweblin, écrivaine argentine a écrit un recueil de nouvelles Sept maisons vides. Une de ces nouvelles porte le titre suivant:  La respiration caverneuse. 

C'est l'histoire d'une vieille dame malade, au souffle rauque, repliée sur elle même, qui n'aime plus rien, ni personne, qui a peur,  se replie et s'enferme. Elle a la respiration caverneuse.

La France ? 


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Vous m'insupportez, monsieur le Président, mais dans ma Bretagne,  je vais de nouveau voter Hervé Berville, votre secrétaire d'État à la mer. C'est un type bien je crois,  au parcours exemplaire qui me semble au surplus  le mieux à même de faire barrage aux extrêmes. 

Surtout, si par bonheur, vos soldats  (sont-ils toujours les vôtres ? Évidemment non.)  gagnaient  (j'en doute fortement, hélas) , n'en tirez pas gloire.

 Ce serait malgré vous.


 





lundi 10 juin 2024

                             

                                               Marine en rêvait,

                                 Emmanuel l'a fait



Il s'agit de la dissolution bien entendu.

Qu'attend-il notre jeune président?

Qu'un front républicain se constitue pour faire barrage au Rassemblement National ?

Mais jeune homme, le front républicain n'existe plus! 

Avez-vous oublié 2022 ?

N'aviez-vous pas entendu, alors,  celui qui allait devenir le président des Républicains dire qu'entre Zemmour (entendez l'extrême-droite) et vous, il préférait Zemmour ? 

Et même, à supposer que... 

Imaginez-vous que monsieur Glucksmann entrera dans une coalition avec monsieur Ciotti? 

D'ailleurs c'est idiot! Monsieur Glucksmann va devoir, d'abord,  bagarrer au sein du PS car,  comme chez les Verts, c'est affaire de chapeau à plumes.

 Tiens nous y voilà. Avec qui aurez-vous à discuter chez les Verts. Car vous le savez bien, la question essentielle est "qui portera le chapeau à plumes".

Et monsieur Roussel secrétaire général du Parti communiste ? 

Car si vous voulez avoir la majorité, il va falloir ratisser large. Combien retrouverez-vous d'élus de votre camp, déjà exsangue,  après le 2ème tour ?

Monsieur Philippe par exemple que vous martyrisez un tantinet ou deux en dépit des services rendus,  monsieur Bayrou qui attend son heure depuis près de vingt ans, savez-vous ce qu'ils feront? 

Ce sont des hommes d'État mais tout de même, vous en êtes-vous assuré ?

Avez-vous oublié que vous partez de loin ?

Imaginez-vous que dans la course qui advient, vos semelles seront de plomb?

Et puis, vous devriez, tout de même, savoir comment ça marche. 

On laisse gagner l'ennemi, on peut même aller jusqu'à l'aider.  Car on prédit sa chute. On en est certain, comme on est certain de  ramasser la mise. 

On sait ce que ça a donné, en 1981, par exemple. 

Mais c'est vrai vous n'aviez pas quatre ans.


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Quand je  lis, c'est crayon à la main.  Je prends des notes.  Je relis souvent ce qui, à force, devient mon "recueil de citations".  Il  enfle et enfle encore.

Alors en voilà, quelques unes :


1) Pour ceux qui pensent que l'extrême-droite sera corsetée  par la loi:

" La loi est comme le timon d'une charrette, on la tourne du côté où on veut aller"

Soljenitsyne L'archipel du goulag


2) Pour ceux qui croient que l'extrême-droite est la solution à leurs problèmes

"Quand les dieux souhaitent nous punir, ils cèdent à nos prières"

John Boyne L'audacieux Monsieur Swift


3) Pour ceux, Ciotti, Wauquiez et tant d'autres  qui calculent:

"A l'heure du destin, il n'y a pas de place pour la combinaison."

Pompidou cité par Labro.


4) Pour ceux qui pensent qu'il suffit de traverser la rue:

"Le chemin est long de l'intelligence au coeur"

Leibnitz cité par proust dans Sodome et Gomorrhe.

"La nature vous essaie dans un genre, et ça y est, c'est dit, pour toujours"

Céline Le voyage

"Les dieux rendent arrogant celui dont ils veulent la perte"

Ancien proverbe grec


5) A ceux qui sont tentés par les extrêmes parce qu'ils sont perdus:

"On commence par vouloir la justice et on finit par organiser la police"

Camus Les justes


6) Et enfin:

"Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils sont la cause"

Bossuet

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Mais, n'en sommes-nous pas tous, un peu, pour quelque chose ?

Paraphrasant Chateaubriand qui, ici,  évoquait la monarchie:

"La démocratie s'en allait, et l'on se mettait à la fenêtre pour la voir passer"

Mémoires d'outre tombe


"J'aurais pu être un politique, ... Non , il a fallu que je tombe amoureux."

Bréhal: Les corps célestes

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Et puis, pour ceux qui aiment le cinéma et l'humour fut-il triste:

"Je ne sais pas si Dieu existe, mais s'il existe, j'espère qu'il a de bonnes excuses"

Woody Allen

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Allez !

"C'est quand on n'a plus d'espoir qu'il faut désespérer de rien"

Sénèque.


Alors, Banzaï!







dimanche 2 juin 2024

 


                                                Mes respects Mon Général,



François Lecointre a été le Chef d'état-major des armées françaises de 2017 jusqu'à sa retraite en 2021.

Il vient de publier un livre chez Gallimard un livre magnifique: "Entre guerres" dans lequel après avoir évoqué la tradition militaire dans sa famille parle de l'horreur, de la peur, de la haine et de la fraternité. 

 Son arrière grand-père héros de 1914, son oncle Hélie mort à Alger à 22 ans ( trois mois avant mon oncle paternel Jacques Hieaux à Batna,  autre héros lui aussi, que mon père admirait tant), restant brûler délibérément dans un véhicule en feu pour assurer la protection de ses soldats. Et son père, impressionnant commandant du sous-marin nucléaire le Redoutable. 

Voilà l'homme marqué par l'exemple. Il n'en fait pas sa gloire.

Au contraire, il fait preuve d'une humilité impressionnante pour un homme qui, excusez du peu, a combattu:

En Irak, au Rwanda, en Côte d'Ivoire en Bosnie-Herzégovine -rappelez-vous Sarajevo- en Somalie,  au Mali.

Lui est allé au front. 

En exergue du chapitre "Combat", il cite Perez-Reverte: 

"Celui qui tue de loin, ignore tout de ce que signifie tuer. Celui qui tue de loin ne tire aucune leçon sur la vie, sur la mort. Il ne risque rien, ne se salit pas les mains, il n'entend pas la respiration de son adversaire, il ne voit pas l'épouvante, le courage ou l'indifférence dans ses yeux. Celui qui tue de loin ne met pas à l'épreuve son bras, son coeur ni sa conscience. Il ne crée pas les fantômes qui reviennent ensuite le tourmenter toutes les nuits pour le restant de ses jours."

Celui qui tue de loin, c'est le sniper par opposition à celui qui en-bas prend le risque de se faire tirer dessus et dedans.

N'est-ce pas aussi celui qui décide au plus haut de l'État, d'envoyer des hommes au front dans ce qui n'est pas toujours la défense de la patrie ? 

Je me le demande, cela m'appartient,  quand il évoque toutes ces missions de maintien de la paix civile ou du droit international dans des pays lointains. 

À Djibouti par exemple, où des soldats en mission interfèrent et meurent parfois, pour apaiser des conflits séculaires qui, une fois l'armée repartie, recommenceront.

Le Général Lecointre est un soldat. Il obéit à celui qui est constitutionnellement le Chef des armée et le respecte.

Il ne respecte pas en revanche les bonnes-âmes salonnardes comme BHL,  et moque avec un mépris emprunt d'une sourde colère Kouchner, livrant en Somalie des sacs de riz  dans une tenue impeccablement repassée. Les caméras étaient là bien sûr; c'était l'essentiel. Mais l'armée non. Pas encore sur place, de sorte que la zone n'étant pas sécurisée, les sacs de riz ont été pillés au détriment de ceux que ce clown pitoyable prétendait nourrir.

Entre Guerres  est le livre d'un homme qui écrit la peur qu'il faut vaincre, la haine qu'il faut refouler, l'humanité qu'il faut garder en soi toujours, malgré tout et puis, la fraternité.

Ansi quelques beaux passages:

Au Rwanda où après avoir eu à faire enterrer un charnier d'enfants Tutsi "nos soldats creusaient des fosses communes pour y enfouir les cadavres à coups de pelleteuses"  il tombe sur des enfants Hutu abandonnés et affamés et écrit:

"Le regard d'un enfant affamé et harassé de fatigue après des semaines de fuite éperdue est aussi bouleversant que celui d'un orphelin au crâne enfoncé par les coups de machette qui ont tué ses parents"

A Sarajevo, il raconte l'assaut à la tête de sa compagnie de casques bleus français pour délivrer d'autres casques bleus français pris en otage. Il dit sa peur, l'héroïsme  d'un lieutenant placé sous ses ordres qui l'accompagne, l'entraîne et le protège puis d'un coup "pivotant sur lui-même, (lui) présenta une plaie béante au front, et s'effondra"

 Il dit alors la boule de haine qui l'avait envahi; il ne voulait plus seulement libérer les otages, il voulait tuer.

Il croise alors le regard d'un caporal-chef "blagueur, humble et généreux qui voulait continuer à combattre" mais attendait "que vienne le temps... de pleurer nos frères et de les soigner"

"Devant lui, si déterminé à aller jusqu'au bout, mais en même temps si pâle et si triste, j'ai enfin compris que j'étais en train de perdre mon humanité"

La fraternité écrit François Lecointre  " c'est se défaire de soi, c'est accepter d'être dépendant ".

Quinze années plus tard, alors qu'il va bientôt devenir général , lui et ses hommes de Sarajevo se retrouvent à Saint-Maixent. Le caporal-chef blagueur, humble et généreux, "celui dont le regard l'avait retenu sur le chemin de la barbarie"  s'était donné la mort parce que écrit François Lecointre  "il scrutait en permanence sa vie " .."parce qu'on ne peut pas vivre ainsi, même quand on est un saint".

A Saint-Maixent, ce jour-là avec le lieutenant qui n'était finalement pas mort, avec ses soldats, celui qui serait dans dix-sept ans Chef d'état-major des armées, celui qui a gagné se galons et ses honneurs sur les champs de bataille "pleurait son frère perdu".


Mes respects,  Mon Général.