dimanche 2 juin 2024

 


                                                Mes respects Mon Général,



François Lecointre a été le Chef d'état-major des armées françaises de 2017 jusqu'à sa retraite en 2021.

Il vient de publier un livre chez Gallimard un livre magnifique: "Entre guerres" dans lequel après avoir évoqué la tradition militaire dans sa famille parle de l'horreur, de la peur, de la haine et de la fraternité. 

 Son arrière grand-père héros de 1914, son oncle Hélie mort à Alger à 22 ans ( trois mois avant mon oncle paternel Jacques Hieaux à Batna,  autre héros lui aussi, que mon père admirait tant), restant brûler délibérément dans un véhicule en feu pour assurer la protection de ses soldats. Et son père, impressionnant commandant du sous-marin nucléaire le Redoutable. 

Voilà l'homme marqué par l'exemple. Il n'en fait pas sa gloire.

Au contraire, il fait preuve d'une humilité impressionnante pour un homme qui, excusez du peu, a combattu:

En Irak, au Rwanda, en Côte d'Ivoire en Bosnie-Herzégovine -rappelez-vous Sarajevo- en Somalie,  au Mali.

Lui est allé au front. 

En exergue du chapitre "Combat", il cite Perez-Reverte: 

"Celui qui tue de loin, ignore tout de ce que signifie tuer. Celui qui tue de loin ne tire aucune leçon sur la vie, sur la mort. Il ne risque rien, ne se salit pas les mains, il n'entend pas la respiration de son adversaire, il ne voit pas l'épouvante, le courage ou l'indifférence dans ses yeux. Celui qui tue de loin ne met pas à l'épreuve son bras, son coeur ni sa conscience. Il ne crée pas les fantômes qui reviennent ensuite le tourmenter toutes les nuits pour le restant de ses jours."

Celui qui tue de loin, c'est le sniper par opposition à celui qui en-bas prend le risque de se faire tirer dessus et dedans.

N'est-ce pas aussi celui qui décide au plus haut de l'État, d'envoyer des hommes au front dans ce qui n'est pas toujours la défense de la patrie ? 

Je me le demande, cela m'appartient,  quand il évoque toutes ces missions de maintien de la paix civile ou du droit international dans des pays lointains. 

À Djibouti par exemple, où des soldats en mission interfèrent et meurent parfois, pour apaiser des conflits séculaires qui, une fois l'armée repartie, recommenceront.

Le Général Lecointre est un soldat. Il obéit à celui qui est constitutionnellement le Chef des armée et le respecte.

Il ne respecte pas en revanche les bonnes-âmes salonnardes comme BHL,  et moque avec un mépris emprunt d'une sourde colère Kouchner, livrant en Somalie des sacs de riz  dans une tenue impeccablement repassée. Les caméras étaient là bien sûr; c'était l'essentiel. Mais l'armée non. Pas encore sur place, de sorte que la zone n'étant pas sécurisée, les sacs de riz ont été pillés au détriment de ceux que ce clown pitoyable prétendait nourrir.

Entre Guerres  est le livre d'un homme qui écrit la peur qu'il faut vaincre, la haine qu'il faut refouler, l'humanité qu'il faut garder en soi toujours, malgré tout et puis, la fraternité.

Ansi quelques beaux passages:

Au Rwanda où après avoir eu à faire enterrer un charnier d'enfants Tutsi "nos soldats creusaient des fosses communes pour y enfouir les cadavres à coups de pelleteuses"  il tombe sur des enfants Hutu abandonnés et affamés et écrit:

"Le regard d'un enfant affamé et harassé de fatigue après des semaines de fuite éperdue est aussi bouleversant que celui d'un orphelin au crâne enfoncé par les coups de machette qui ont tué ses parents"

A Sarajevo, il raconte l'assaut à la tête de sa compagnie de casques bleus français pour délivrer d'autres casques bleus français pris en otage. Il dit sa peur, l'héroïsme  d'un lieutenant placé sous ses ordres qui l'accompagne, l'entraîne et le protège puis d'un coup "pivotant sur lui-même, (lui) présenta une plaie béante au front, et s'effondra"

 Il dit alors la boule de haine qui l'avait envahi; il ne voulait plus seulement libérer les otages, il voulait tuer.

Il croise alors le regard d'un caporal-chef "blagueur, humble et généreux qui voulait continuer à combattre" mais attendait "que vienne le temps... de pleurer nos frères et de les soigner"

"Devant lui, si déterminé à aller jusqu'au bout, mais en même temps si pâle et si triste, j'ai enfin compris que j'étais en train de perdre mon humanité"

La fraternité écrit François Lecointre  " c'est se défaire de soi, c'est accepter d'être dépendant ".

Quinze années plus tard, alors qu'il va bientôt devenir général , lui et ses hommes de Sarajevo se retrouvent à Saint-Maixent. Le caporal-chef blagueur, humble et généreux, "celui dont le regard l'avait retenu sur le chemin de la barbarie"  s'était donné la mort parce que écrit François Lecointre  "il scrutait en permanence sa vie " .."parce qu'on ne peut pas vivre ainsi, même quand on est un saint".

A Saint-Maixent, ce jour-là avec le lieutenant qui n'était finalement pas mort, avec ses soldats, celui qui serait dans dix-sept ans Chef d'état-major des armées, celui qui a gagné se galons et ses honneurs sur les champs de bataille "pleurait son frère perdu".


Mes respects,  Mon Général.


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