lundi 27 mai 2024

 « Il manquerait des moyens »


 

Olivia Dufour a publié sur actu-juridique.fr un article intitulé Le procès de la honte . Il s'agit du déroulement du procès dit "Bastia - Poretta" . Cet article brillant, fait écho à la chronique  de Pascale Robert-Diard, sur ce même procès qui se tient sans les principaux accusés et sans leurs avocats. Il s'agit d'un procès aux assises, pour meurtres, il se déroule à la cour d'assises d'Aix-en Provence. Cette affaire a été très bien traitée dans un bon film: Borgo.

Il ne m'appartient pas d'ajouter ici aux articles remarquables que je viens de citer - je n'en ai évidemment pas la qualité-  mais de relever,  la conclusion d'Olivia Dufour qui évoque au détriment des justiciables " une justice doublement dégradée par le manque de moyens d'une part qui engendre des délais et mauvais traitements et par les tensions entre ceux qui les jugent et ceux qui les défendent."


Le budget de la justice pour 2024 s'élève à 10 milliards en progression de 5%. Depuis 2017 il a augmenté de 45% .

Et cela ne fonctionne pas. Il est vrai qu'on part de loin; le budget de la justice ne représente que 2,4% des dépenses de l'Etat, c'est peu dans un état de droit. Olivia Dufour a raison, la justice manque de moyens.

Mais:

Celui de l'Education nationale pèse 64 milliards, en augmentation de 6,5% sur celui de 2023 et de 29% depuis 2017. Il emploie 1.203.000 personnes. Est-ce "gérable" ?

Et cela ne fonctionne pas; elle manquerait de moyens.


Le secteur de la santé est sous tension. La loi de financement de la sécurité sociale fixe les dépenses pour 2024 à 640 milliards dont 255 pour l'assurance maladie. 

Il manquerait de moyens.


Dans la vie réelle, un chef d'entreprise qui voit ses charges augmenter, sa croissance marquer le pas, et le déficit passer le bout de son nez à la porte se pose la question suivante: "qu'est-ce qui dans mon organisation ne fonctionne pas". Il mobilise ses troupes et revisite l'entreprise, toute l'entreprise. Il n'a pas le choix. 

Une fois le diagnostic posé, il travaille avec ses équipes et corrige. 

Il faut quelque fois remettre en cause des privilèges, modifier les horaires, changer les modes de rémunération en favorisant ce que les japonais appelaient les "cercles de coeur", c'est à dire la participation de tous à l'amélioration de la performance de l'entreprise avec comme contrepartie une participation aux fruits des améliorations obtenues. 


A titre d'exemple les policiers, les personnels de santé,  accumulent les heures supplémentaires pas toujours payées à temps ou récupérées faute de pouvoir être payées. Chacun sait que les 35 heures ont contribué à l'état actuel des hôpitaux et personne n'a le courage pour les uns ou n'accepte pour les autres de mettre le sujet sur la table. 


Je ne veux pas participer à la mode du "french-bashing" , mais il serait peut-être temps de s'attaquer aux cause  de notre mal français qui est d'accroître toujours les dépenses sans trop revisiter la façon dont elles sont faites. 



Peut-être serait-il temps, aussi, d'attacher une importance autre que politique à la nomination des ministres et à leur donner le temps nécessaire de travailler.

Depuis 2022:

Ministère de la santé: 5 ministres

Ministère de l'éducation: 4 ministres

Ministères du Logement: 4 ministres

Ministère de l'écologie: 3 ministres

Ministère de la culture 2 ministres.


On va s'arrêter là.

Un chef d'entreprise qui changerait ainsi ses directeurs ferait le bonheur de ses concurrents et finalement prendrait le chemin du tribunal de commerce.

Mais il y a une différence malheureuse entre l'entreprise et l'État.

L'entreprise a des clients. 

L'État a des assujettis.


Lors de sa conférence de presse du 16 janvier, à la question d'un journaliste sur le changement rapide d'un ministre,  Emmanuel Macron avait renvoyé le questionneur d'un revers de main en disant " Ça c'est la politique"


Étonnons-nous, après.



                                                                    XXXX

J'ai écouté le débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella.

A titre liminaire ce débat qui exclut le reste de l'opposition n'était pas équitable.

Le premier ministre a tenu le choc, mieux même; ce n'était pas écrit.

Ceci posé, ce débat servira-t-il à autre chose qu'à nommer une fois encore, le Rassemblement National comme le seul interlocuteur que le pouvoir considère?  

J'en doute.

C'est bien triste.


                                                     XXXX


Histoire du Mec (suite de mon article du 2 avril)

Il n'a pas de chance le mec.

Ses créanciers n'ont pas aimé du tout, mais alors pas du tout, qu'il leur dise "j'paierai si j'voudrai".

Ils se sont donc rassemblés et ont fait bloc. 

De sorte que si le mec, monsieur Drahi, ne remplit pas ses obligations vis à vis d'eux qui sont benoitement de leur rembourser ce qu'il leur a emprunté, ils se réservent d'appliquer le dispositif nouvellement introduit en France dit "d'application forcée interclasse", utilisé pour la première fois dans le dossier ORPEA. 

Ce dispositif permet d'évincer le ou les actionnaires en cas de non- paiement de la dette. 


A bras d'honneur, bras d'honneur et demie.

Il faut une morale tout de même.



 

lundi 20 mai 2024

                                                    L'Europe brune ?



Non pas encore, mais le vent mauvais de l'extrême droite,  en tête des sondages, souffle fortement sur nos nuques.

En France.

En Italie

En Belgique

Aux Pays-Bas (où ils vont diriger de fait la coalition qui a chassé le parti libéral au pouvoir depuis 13 ans)

En Autriche

En Hongrie

En Pologne, malgré leur récente défaite aux législatives.

En Allemagne l'extrême droite était en deuxième position avant la révélation de ses turpitudes russes qui l'a reléguée - provisoirement ?- à la troisième place.

Il est des pays où l'avance est considérable: la France, l'Italie, l'Autriche, la Hongrie bien sûr qui musèle sa presse, notamment. Chez les extrêmes, on n'aime pas la presse sauf à ce qu'elle ploie.

Rien n'est fortuit. Quand la politique donne l'impression de s'éloigner du peuple, le peuple se venge. 

 Ce n'est pas nouveau. Bien que l'histoire montre abondamment qu'il le fait toujours mal. Mais c'est ainsi. 

Je ne peux toutefois pas m'y résigner.

"Le nom sur le mur" le dernier livre, très fort, d'Hervé Le Tellier, prix Goncourt 2020 pour L'anomalie, montre dans un de ses chapitres combien, en France, à sa création, le parti d'extrême-droite avait choisi ses cadres parmi les collaborateurs des nazis les plus actifs.  

En France au FN (*), excusez-moi il paraît qu'ils ont changé de nom. Mais ce n'est pas parce que Nessus s'était débarrassé de sa tunique qu'elle avait perdu son poison. 

Au RN donc, la droite extrême est toujours là, les camelots du mouvement Occident agissent encore.   

On ne va tout de même pas les laisser faire au motif que le "gamin" fait des bêtises, et Dieu sait pourtant qu'il en fait. 

Tenez, s'agissant de la Nouvelle-Calédonie.  Était-il nécessaire de lancer cette réforme constitutionnelle, en ce moment, sans avoir pris le temps de discuter, puis de discuter encore, dans ce territoire où la tradition coutumière est extrêmement forte et qui est le pays de la palabre, comme me l'avait écrit un ami qui le connaît bien ce pays pour y avoir représenté l'État. Il se reconnaîtra.

Tenez encore, pendant que la Nouvelle-Calédonie flambait, à l'Elysée on élevait Albert de Monaco au grade de commandeur (rien que cela) ....du Mérite agricole.


Il faut voter, pourtant le 9 juin.

 Nous n'avons guère de solution intelligente ou utile.

A droite, chez les Républicains, la liste est conduite par un philosophe cultivé, de conviction, honnête, égaré en politique selon moi,  dans un parti dont il a accepté la vice-présidence. Ce parti qui a tout de même élu à sa tête le pitoyable monsieur Ciotti,  lequel avait dit qu'entre Macron et Zemmour, il choisissait Zemmour. Tout de même!

Malheureusement pour monsieur Bellamy qui vaut mieux sans aucun doute, très peu pour moi.

Les verts se battent pour une des causes les plus essentielles... mais seulement après avoir terminé leurs querelles sur un sujet plus essentiel encore:  qui doit porter le chapeau à plumes. Et ça querelle toujours chez les verts, on marche avec des fusils à tirer dans les coins. Résultat: 5% dans les sondages.

On m'épargnera, les listes de messieurs Mélenchon et Zemmour. Les 33 autres aussi. Oui car il y en aura 37 au total. 

Monsieur Dupont-Aignan a en effet retiré la sienne faute de pouvoir espérer le remboursement de ses frais de campagne par le contribuable compte tenu du score minuscule qui lui est annoncé. A quoi tiennent les convictions..

Restent les listes conduites par madame Hayer et monsieur Glucksmann, tous deux intelligents et compétents. C'est bien peu.

                                            

Il n'y a qu'un tour aux Européennes; on ne choisit pas, on élimine.

Puissions-nous de nouveau, sans tarder, avoir à choisir. Et bien.

Cela fait longtemps, beaucoup trop longtemps.

                                               XXXX

(*) Le Front National  (nom complet:  Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France) était pendant la dernière guerre  un mouvement de résistance créé par le PCF et ouvert aux non-communistes. Son objet la lutte contre les nazis.  Il s'est trouvé des ordures, collaborationnistes souvent,  pour en capter le nom. Et tout le monde s'est tu. C'était en 1972. 

Lisez le petit livre émouvant de Robert Birenbaum écrit récemment à 97 ans: "16 ans. Résistant". Ou écoutez le sur Youtube. C'était lui le Front National, avec ses copains. 

                                    XXXX


Bernard Pivot est mort; c'est grâce à lui que je lis autant. Je ne suis pas le seul. 









lundi 13 mai 2024

La ministre, les juges, le rappeur et le président

 

 

Rachida Dati est un personnage étonnant. C'est une femme intelligente, tenace, dotée d'une volonté farouche de parvenir à ses fins, toutes ses fins, quelles qu'elles soient et, semble-t-il, quelques soient les moyens.

Au surplus, elle était belle. Maintenant, elle n'a plus qu'un visage figé; c'est courant. Il faut bien que les chirurgiens esthétiques travaillent.


Elle est donc tellement intelligente,  qu'en 2010  l’Alliance Renault-Nissan présidée par Carlos Ghosn  l’a recrutée par le biais de sa structure néerlandaise Renault-Nissan BV. 

A l'époque l’Alliance Renault-Nissan réalisait près de 40 milliards d'euros de chiffre d’affaires, employait plus de 100.000 personnes dans 35 pays.

Devinette: 

Monsieur Ghosn a-t-il recruté madame Dati pour sa direction juridique ?

Non pas !

Pour sa direction des relations avec les actionnaires?

Non pas !

Ce sont  deux structures internes pourtant où sa compétence en matière de droit aurait pu, à la rigueur, être utile. 

"Quoi que" comme disait Raymond Devos, quoi que… 

Quand on emploie plus de 100.000 personnes, en général, même dans ces domaines on a ce qu’il faut à la maison.


Vous n'avez pas deviné ?

Voici la réponse:


 Madame Dati a été recrutée pour conseiller le Groupe et  son président Carlos Ghosn « sur la politique d’extension internationale du groupe, notamment dans les pays du Moyen-Orient et de Maghreb »

Il se trouve des gens - des juges par exemple- , qui trouvent étonnant, qu'un groupe automobile aussi important ne dispose pas en interne ou avec l'appui de cabinets de conseils spécialisés des moyens suffisants pour l'éclairer sur ces sujets là. 


Il se trouve aussi des mauvais esprits, des juges là encore,  qui pensent que ce recrutement n’est pas très clair, que les 900.000 € de rémunération pour 900 heures de travail sur trois ans, lesquelles ne sont matérialisées semble-t-il par aucun rapport, aucune étude justifiant d’un réel travail, comme il est pourtant d'usage dans ce type d'activité. 

Les mêmes trouvent étonnant que pour l’accomplissement d’une telle mission dont on peut supposer qu'elle implique des voyages vers les pays objets des préoccupation de monsieur Ghosn, aucune note de frais des déplacement ne soit produite. 

Il est vrai que le réchauffement climatique était déjà un sujet. Madame Dati travaillait sans doute au téléphone. 

Les juges, en France, je vous jure !

 

Et ces maudits "fouilles-partout"  semblent avoir trouvé qu’après Renault-Nissan, notre ministre aurait été rémunérée  par AlphaOne Partners structure de conseil pour investisseurs privés et institutionnels spécialisée dans la production d'énergies fossiles et gazières. 300.000 € , pour trois ans. Il n’y a tout de même pas de quoi en faire un fromage, sans mauvais jeu de mots. 

D’autant que dans le cadre de cette « mission » elle a pu nouer des relations solides avec l’Azerbaïdjan et des liens de proximité, d’amitié semble-t-il, avec la famille Aliyev. 

Vous savez Monsieur Ilham Aliyev,  le dictateur qui préside le pays depuis 2003, succédant à son père, lequel l'avait présidé pendant 10 ans avant lui. 

 

Pendant toute cette période madame Dati était députée européenne membre suppléante de la Commission de l’industrie et de l’énergie.  

Osera-t-on préciser que les activités de lobbying étaient interdites aux parlementaires européens. 

Qui peut supposer, toutefois,  une seule minute que madame Dati faisait du lobbying au profit de ceux qui la rémunéraient, je vous le demande. 

Les juges, en France, je vous jure.


Notre président n’est pas ce cette eau-là, grâce à Dieu, qui l’a fait entrer au gouvernement à un poste où je pense réellement qu’elle contribuera à porter la culture vers ceux qui malheureusement la regardent d’en bas. 

Oui je le crois réellement.

 

Je me pose toutefois la question suivante :

Madame Dati est-elle la seule dans ce pays qui puisse démocratiser la culture ? La réponse est dans la question, je le crains.


Mais nous avons un président qui respecte la présomption d'innocence.

C'est une bénédiction.  


                                                     XXXX

 

 

Le juge Renaud Van Ruymbeke vient de mourir.

C’était un homme modeste, intègre et un excellent pianiste. 

J'avais lu son livre "Mémoires d'un juge trop indépendant" paru en 2021. 

Durs combats.

Drôle d’époque.

                                                     XXXX



La réception de la flamme olympique à Marseille  été confiée à un rappeur dénommé Jul. 


En 2017 voici ce qu'il chantait:


Sort le cross voléCabre même si la roue est voiléePétard en billet violetTe déshabille pas j'vais t'violerSort le cross voléCabre même si la roue est voiléePétard en billet violetTe déshabille pas j'vais t'violer
J'vais t'violerJ'vais t'violerJ'vais t'violerTe déshabille pas j'vais t'violer
J'vais t'violerJ'vais t'violerJ'vais t'violerTe déshabille pas j'vais t'violer

Nul doute qu'il méritait d'accueillir la flamme sur le territoire français ce citoyen modèle.
 Nul doute que ceci n'a pas pu être décidé sans l'aval de l'Elysée.
Après tout "À tout péché miséricorde".                                            
Nous avons un président miséricordieux.


Triste séquence.

 

mardi 7 mai 2024

                                            L'IMPASSE



Il est bien difficile d'aborder un sujet si compliqué en si peu de mots. Mais je veux le faire, néanmoins, car quand il s'agit de principes, au fond, point n'est besoin de s'étendre.

Alors voilà:

On appelle impasse budgétaire "la différence entre l'ensemble des dépenses publiques autorisées, y compris les comptes spéciaux du trésor et la totalité des recettes dont la rentrée est considérée comme certaine." (Larousse)

Soyons simple et tenons-nous en à la terminologie courante: il s'agit ici du déficit budgétaire. Puis, conséquemment,  de la dette.

Il me faut d'abord exposer quelques chiffres:

Depuis 1975, la France est en déficit budgétaire constant. Pas une seule fois, les gouvernements n'ont produit de budget à l'équilibre.

Le solde du budget de l'Etat y compris les comptes sociaux, évolue ainsi depuis 2006 en milliards d'euros:

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

−39  

−38  

−56 

−138

−148

−90 

−87 

−74  

−85  

−70  

2016

2017

2018

2019

202013

2021

202214

2023

−69 

−67 

−76 

−92  

−178  

−170

−151     −154 


Au total sur ces 18 années: 1782 Mds
Pendant cette même période le cumul des soldes du budget allemands regroupant les landers, s'élevait à - 388 milliards.
En chiffres ronds la France a donc produit 1.400 Mds € de déficits de plus que l'Allemagne, notre principal partenaire et concurrent. 

J'ai choisi cette période d'observation car les deux pays ont subi les même crises au même moment:
2008 Subprimes
2020 Covid
2023 Ukraine
De ce fait, les deux pays ont connu du fait de ces crises des impacts budgétaires prononcés.

En 2009 la France creuse son déficit de 82 Mds  pour le porter à  138 Mds lorsque l'Allemagne en quasi équilibre l'année précédente présente un solde négatif de 77 Mds. 

En 2020: la France voit son déficit passer de 92 Mds à 178 Mds:   lorsque l'Allemagne passe d'un excédent de 53 Mds à un déficit de 147 Mds

En fin en 2023 le déficit français atteint 5,5% de son PIB  à 154 Mds  quand l'Allemagne réussit à le limiter à 2% de son PIB soit 82 Mds.

Alors bien entendu, il faut financer tout cela, d'où la dette. 

Pour rappel, les critères définis au niveau de l'Europe, critères dits de Maastricht, que la France a contribué à définir avec l'Allemagne sont les suivants:
Déficits public 3% du PIB au maximum
Dette publique 60% du PIB au maximum.
L'accumulation des crises ont pour conséquence que ces ratios ont été enfoncés dans beaucoup de pays mais il faut y regarder de près, sur celui de la dette en rapport avec le PIB notamment:
En 2006 la France (68%) et l'Allemagne (67%) avaient un ratio d'endettement comparable.
En 2023 la France en est à 110,6%, quand l'Allemagne est redescendue à 63,6%.
L'augmentation de la dette française sur la période et de: 1.900 Mds. C'est à peu près la somme des déficits cumulés sur cette même période.  

Derniers chiffres, c'est promis:
 le PIB de la France est en 2023 de 2800 Mds, celui de l'Allemagne de 4100 Mds.
La population française est de 68 millions c'est d'Allemagne de 84 millions.
Cela veut dire que chaque français supporte 45.500 € de dette quand chaque allemand n'en supporte "que" 27.800 €


La question se pose: pourquoi en sommes-nous arrivés là. 
Le livre de Laure Quennouëlle-Corre " Le déni de la dette. Une histoire française" paru chez Flammarion est éclairant.

Ce que je tire de cette lecture est que chaque fois qu'un gouvernement a posé des règles de rigueur  et les  a appliquées, le finances publiques sont redevenues saines et la croissance a suivi:
1926 avec Poincaré.
1935 avec Rueff ... sous Laval malheureusement.
1958 avec l'arrivée de de Gaulle et Georges Pompidou premier ministre l'essentiel du temps,  puis la présidence de George Pompidou jusqu'en 1974, pendant laquelle on avait posé comme  saint principe que "la dépense publique ne devait jamais progresser plus vite que la production nationale." (Op.cit)
Depuis, hélas, qu'on en juge:
Solde des comptes publics sur la durée de l'exercice du pouvoir, cohabitations comprises:

- de Gaulle:              +0,2%
- Pompidou:            +0,1%
- Giscard:                 - 1,5% 
- Mitterrand:           - 3,5%
- Chirac:                   - 2,8%
- Sarkozy:                - 5,5 %
- Hollande:              -3,6 %     
- Macron:                 - 5,5%

On m'objectera à raison que les périodes ne sont pas comparables.
N'empêche! En Allemagne les crises subies étaient le mêmes.  

Notre problème est que quand  nous adoptons des mesures d'exception quand les crises l'exigent, nous les laissons traîner, leur remise en cause est partielle et tardive, jusqu'à ce qu'une nouvelle crise advienne qui conduit à en ajouter de nouvelles. Or nous sommes dans un monde de crises 

Notre problème est que l'État n'est pas efficace. 
Tenez, un exemple, marginal sans doute mais révélateur:
il y a peu j'ai été en contact avec l'administration pour l'obtention d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public. Je tombe sur un fonctionnaire territorial, aimable rapide et efficace qui fait tout pour me faciliter la tâche. L'autorisation obtenue et le montant de la redevance fixée, je veux régler. "Ah mon pauvre monsieur, cela ne dépend pas de moi. Le service compétent vous enverra un "tire de paiement".  J'attends. 
Dans une entreprise bien gérée en 2024, le titre est émis en même temps que l'autorisation. 
Les prélèvements obligatoires  - impôts et cotisations sociales- calculés selon les normes EUROSTAT ( pour les spécialistes, à la différence de l'INSEE,  les crédits d'impôts sont considérés comme des charges et comptabilisées comme telles) s'élèvent à  48% du PIB. Si le taux français était le même que le taux allemand (42%) ce sont  170 milliards qui, en 2023, seraient restés en dehors de la sphère publique, au main des acteurs privés: particuliers ou entreprises. On notera d'ailleurs que la différence entre les deux pays repose essentiellement sur les impôts de production qui pèsent sur les entreprises.  Est-ce bien malin ?

Notre problème et que la dette, finalement, on en parle quelquefois dans les dîners en ville, mais évidemment, personne ne veut voir ses impôts augmenter fut-on aisé ou riche.  Personne ne veut voir ses avantages remis en question, fut-ce un peu, même quand on est plutôt verni. L'épisode de la SNCF et des aiguilleurs du ciel est éclairant.

Notre problème est que la dette, c'est commode. 
La France reste la France. Notre dette est placée à plus de 50% dans les mains d'investisseurs et de fonds étrangers. Ils l'aiment  notre dette qui rapporte plus que celle de l'Allemagne et leur semble moins risquée que celle de l'Italie; ils ont raison. 
Et puis la dette n'est-ce pas ça évite trop d' efforts, d'autant que les taux étaient très bas et qu'en dépit de leur remontée récente,  ils restent historiquement raisonnables. 


Madame Quennouëlle-Corre cite Alfred Sauvy qui écrivait:

"Peu instruits de nos propres affaires, nous promenons pourtant notre figure de frustrés, irrités non contre nous-mêmes bien entendu, si candides, si innocents, mais contre l'État malfaisant qui a l'audace de vouloir prendre presque autant d'argent qu'il nous en donne et qui ne sait pas faire comme tout le monde c'est à dire se débrouiller"
C'était en 1955.

L'État maintenant prend moins qu'il ne donne, et pour le reste il se débrouille avec les prêteurs.

Il va pourtant falloir que cela change.  Et vite,  car à force d'impasses budgétaires la France - qui par parenthèse doit investir 100 milliards par an jusqu'en 2030 pour faire face au défit climatique-  va finir dans une impasse.



A la semaine prochaine.