Je ne sais comment vous dire.
Je ne sais comment vous dire le sentiment d'émerveillement et de terreur mêlés ressenti à la lecture du livre exceptionnel, le deuxième, de Gaël Faye.
Après Petit Pays en 2016 - roman autobiographie d'un enfant métis qui voit monter et vit les périls puis le génocide au Rwanda- ce jeune homme si talentueux, vient de publier chez Grasset, Jacaranda.
C'est l'histoire d'un garçon, Milan, fils d'un français admirateur de Kundera et d'une rwandaise, Valencia, qui a quitté son pays il y a vingt-cinq ans. Il raconte et se raconte, depuis sa prime enfance jusqu'à l'âge adulte.
Allers-retours de Versailles à Kigali.
Ses parents adoptent un enfant venu de là-bas, avec un trou dans la tête, après les massacres. Il en fait son frère, lui qui n'en a pas.
Puis il y va dans ce pays, avec sa mère. " Pour la première fois j'éprouvais soudain le trouble de mes origines" et découvre que cet enfant adopté qui était reparti n'était pas un enfant adopté et n'était pas le frère qu'il s'était fait.
Alors là-bas, dans ce pays lointain, dans le pays de sa mère Valencia qui se tait, d'Eusébie cette amie d'enfance perdue depuis vingt-cinq ans, qui se tait elle aussi, de ce frère qui ne l'était pas, de cette enfant qui retrouve l'âme des siens sur la plus haute branche du jacaranda devant sa maison, il y a une histoire.
L'histoire de l'innommable, de la douleur qui se transmet sans se dire. Et l'impossible oubli, et sa nécessité pourtant.
"La nuit, ils buvaient jusqu'à la folie, ... pour écoper leur tristesse et faire taire les souvenirs qui perturbaient leurs consciences. La conscience des bourreaux, la conscience des victimes. La conscience d'un peuple inguérissable."
Et malgré tout, la beauté possible des âmes et la possibilité du pardon.
Lisant la description par Eusébie des massacres auxquels elle avait échappé me revenait L'espèce humaine, livre fondamental que Robert Antelme avait écrit sur son expérience dans les camps. Horreur différente. Même horreur.
Lisant le narrateur racontant la mort de sa mère , lui tenant la main sur son lit d'hôpital et récitant à sa demande le "Je vous salue Marie" auquel il ne croyait plus, ému, et pensant à un passé proche, les larmes me sont venues.
Et pendant ce temps, on continue de canarder, de bombarder, de "missiler".
Et pendant ce temps Trump, Mélenchon, Le Pen et tant d'autres, poussent à la haine et au rejet au seul motif de leur obscène obsession du pouvoir.
Lisez Gaël Faye et continuez de croire que l'espèce humaine est capable de faire le bien. Aussi . Malgré eux.
Et puis, espérez avec moi que ce livre magnifique sera primé.
XXXXX
Ce sera tout pour aujourd'hui. Le reste ma foi...
« Ma foi. Quel que soit le sens de cet expression, il en faut beaucoup et plus encore pour continuer de sourire, bravement, la tête haute, et poursuivre le chemin vaille que vaille. J’ai ce livre dès sa sortie. Il me hante.
RépondreSupprimerMaï H-H
J'avais lu récemment Le convoi de Beata Umubyeyi qui m'avait moins séduit. Je vais donc lire celui-ci avec intérêt...
RépondreSupprimerMerci de cette belle note de lecture, j’avais prévu son achat, j’y cours
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