Le pauvre homme ! (*)
ORGON:
Ah Dorine, attendez je vous prie:
Il me faut des nouvelles de ce qui est ici.
Je reviens de la Trappe, j'y ai passé un an.
Tenu par la prière, j'ai ignoré le temps.
Tant de jours sont allés.
Qu'est-ce qu'on fait céans?
Les choses vont-elles bien?
DORINE:
Rien ici n'est brillant.
Quelqu'endroit que l'on aille,
On étrille, on chamaille,
Ceci est désolant.
ORGON
Commençons au hasard.
Et Wauquiez ?
DORINE
Ah lui va bien Monsieur,
Il bat la campagne, change souvent d'idée.
En a-t-il, je ne sais pas.
Peu importe d'ailleurs,
La seule chose qui compte est battre Retailleau.
ORGON
Le pauvre homme!
Et que dit Retailleau ?
DORINE
Toujours la même chose, il faut le reconnaitre.
Fidèle à ses idées, mais se rigidifiant.
C'est l'arthrose Monsieur, l'homme n'est plus tout jeune.
Il veut le même fauteuil.
Mais à son ministère il lui faut travailler,
Il a donc pour ce faire, beaucoup moins de son temps.
ORGON
Le pauvre homme!
Mélenchon est bien vieux,
Eructe-t-il toujours ?
DORINE
Ah ça pour éructer, il éructe c'est sûr.
Bien davantage encore.
Il crie, il vocifère, exclut et injurie.
Jette des anathèmes à quiconque
Ne lui baise pas les mains.
Un ouvrage a paru, qui s'appelle La meute,
À le lire on pourrait parfois rire,
Mais il faut en pleurer.
Voilà un triste personnage.
Les hommes sont comme les vins, Monsieur,
C'est l'âge qui les révèle.
Lui se prétend grand cru,
Ce n'est qu'aigre piquette.
ORGON
Le pauvre homme !
Et les autres ?
DORINE
Lesquels voulez-vous dire?
Il en est tant et tant.
ORGON
Eh bien, voyons Dorine!
Ceux qui comptent ou qui veulent compter.
DORINE
C'est bien ce que je dis.
Hors le maire du Havre ,
Qui parle peu et travaille,
Ils accourent de partout.
Discourent, se disputent sur des idées semblables.
Donnent des interview,
Et puis emploient des "nègres"...
Silence. Dorine met la main à la bouche
Pardonnez-moi Monsieur, c'est un mot à blâmer,
Madame Rousseau sait bien ce qu'il convient de dire,
Mieux que le grand Senghor, c'est qu'elle est députée.
Alors je recommence:
...emploient donc des plumes pour écrire à leur place.
Car tout être politique doit avoir publié.
Olivier Faure l'a fait.
Attal maintenant s'y met.
ORGON
Le pauvre homme!
Et Madame Le Pen ?
DORINE
Ce n'est pas simple Monsieur, car elle est condamnée,
Pour avoir détourné quelques sous
Qui venant de Bruxelles auraient dû y rester.
Or ils ont voyagé.
Elle pourrait dans deux ans être bien empêchée.
Mais son dauphin est là, à défaut d'être prêt.
Il l'a dit,
Et il piaffe.
Il espère sans nul doute remplacer sa patronne.
Il faut craindre les ambitieux,
La Dame est furieuse et ne le poussera point.
ORGON
Le pauvre homme!
Quel triste paysage.
Il faut garder espoir.
Matignon m'a-t-on dit a pris le Béarnais.
Voilà qui change la donne !
DORINE
C'est l'inverse Monsieur.
"L'endroit" ne se fait pas. (le regard malicieux, elle sourit de son mot)
Perdu, fatigué ne sachant comment faire
Pour sortir de l'ornière où il s'est affaissé,
Il lui vient une idée tout à fait bayrouienne:
Faire un referendum sur les finances publiques.
Me voyez-vous voter sur un sujet pareil ?
J'ai déjà bien du mal avec mes maigres gages.
Ce que je sais Monsieur, je le tiens de mon père.
À trop dépenser, on dépend des banquiers.
Cela n'est jamais bon.
Quant au referendum, je n'y comprends que goutte...
ORGON consterné
Le pauvre homme!
DORINE
Je ne vous le fais pas dire.
J'ai lu dans les gazettes qu'il faisait une bourde.
Que c'était sur ceci, au président de faire.
Mais comme je vous l'ai dit le bonhomme est perdu
Il croit en son étoile mais n'a plus de boussole.
ORGON
Le pauvre homme vous dis-je!
Mais espérez Dorine, un nouveau Pape est là.
Il s'appelle Léon, c'est un homme de bien,
La misère l'attriste.
Il a le regard doux.
Et veut la paix sur terre.
DORINE
Le pauvre homme !
(*) Très libre adaptation de la scène 4 de l'acte 1 du Tartuffe ou l'Imposteur de Monsieur Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière.
Belle adaptation. Quelle plume !!!
RépondreSupprimerQue vous êtes bon, trop bon. Merci beaucoup
SupprimerFabuleux !
RépondreSupprimerCher Lecteur, Vous allez me rendre fier; il ne le faut pas.
SupprimerBravo !
RépondreSupprimerMille mercis
SupprimerOui bravo et merci.
RépondreSupprimerTout a été dit.
Merci mille fois
SupprimerSigné Maï H-H
RépondreSupprimerPuis je rajouter le pauvre homme de l'Elysée ?
RépondreSupprimerBravo merci pour ce panorama fort plaisant .
PH
Le pauvre homme ne peut plus concourir. Merci beaucoup PH
SupprimerQue de belles répliques
RépondreSupprimerQui ici nous amusent
Et qui pourtant aussi
disent la vérité
On en veut lire encore
De ces mots qui en nous
Donnent du sel au moral
Alors n’attendez à demain
Et livrez dès maintenant
le reste de vos songes…
Cher anonyme que je soupçonne d'être GV, vous me faites un beau compliment. Mille mercis
SupprimerQuel plaisir de te lire, cher Bertrand, une fois encore en vers et... contre tout ! Choisir Tartuffe ne peut que convenir au sujet ainsi traité. La politique nous offre tous les ingrédients propres à l'étude de l'homme. Cette soif du pouvoir dont le nouveau pape a récemment parlé concerne hélas tous les candidats ou presque. Un oubli cependant, une candidate possible des verts... mais alors Dorine aurait dit" pauvre femme". On vit de plus en plus dans la fameuse société du spectacle et rien ne semble pouvoir l'arrêter, ton article de la semaine passée sur l'IA, le prouve. On vit une époque formidable!
RépondreSupprimerCher Bertrand, j'oublie de signer jp dernier commentaire !!!!
RépondreSupprimerCher JP, Tu es bien bon et bien avisé. Merci.
RépondreSupprimerJ'adore ! PY
RépondreSupprimerMon Cher PY, Merci mille fois. Je transmets à Dorine, elle sera infiniment touchée.
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