Refus d'obstacle
"Comme tous les hommes d'une vanité maladive, il était fragile."
Voilà ce qu'écrivait Jean-Christian Petitfils à propos de Necker dans son imposante biographie de Louis XVI.
C'est ce que j'ai envie d'écrire à propos de François Bayrou.
Car quels qu'arguments qu'il utilise pour justifier sa décision de solliciter la confiance de l'Assemblée Nationale, ces arguments ne sont que des prétextes.
Oui la dette est énorme, oui il faut faire des économies, oui il faut assouplir la durée du travail, etc. etc , oui l'heure est grave. Mais ce n'est pas parce qu'on adopte un ton gaullien qu'on est de Gaulle.
C'est justement parce que la situation est grave qu'il ne faut pas ajouter une nouvelle crise politique à la crise économique, et peut-être, ce qui serait pire, à une crise financière demain.
La vérité est que monsieur Bayrou a peur d'affronter le débat sur le budget au parlement. Il a peur de perdre, alors il refuse l'obstacle.
Avant de partir en vacances je vous avais écrit dans un mail:
Pendant le mois d'août, le Premier ministre a annoncé quelques décisions sur le gel des pensions, du barème de l'impôt sur le revenu, le durcissement des indemnités de chômage, notamment.
Ou encore cette idée farfelue de supprimer deux jours fériés au motif qu'il faut travailler davantage. Projet que le patronat critique vertement : coûteux pour les entreprises - plus de 4 milliards- et injuste pour les salariés qui travailleraient sans être payés, juge le président du MEDEF. C'est peut-être ce qui a conduit monsieur Bayrou à suggérer de finalement n'en supprimer qu'un.
On est confondu.
Le cadre est de travers donc, car l'effort penchant d'un seul côté, cela ne peut pas fonctionner . Vous savez mes convictions, je les ai écrites.
Et puis il n'y a pas eu de palabre. Or c'est important la palabre dans ce pays de France. La palabre c'est le débat et la recherche d'un consensus.
Au fond, on est consterné par tant de légèreté et suis-je tenté d'écrire, par tant d'incompétence.
Nous voilà donc à huit jours de la chute probable du gouvernement.
Les annonces des oppositions sont claires: elles ne s'abstiendront pas. Monsieur Bayrou va solliciter la confiance de ses opposants, et ses opposants voteront la défiance. Pitoyable lapalissade.
Alors, la France devra se trouver un nouveau gouvernement, le 4ème, en 14 mois.
Des ministères changeront de patron, une fois encore.
À moins que le Président dissolve à nouveau. Ils paraît que non.
Et pendant ce temps, alors que tant de menaces pèsent sur notre économie, le coût de notre dette abyssale va continuer de monter. Les entreprises, perdues, allant à l'aveugle, stopperont leurs projets, remettront à plus tard leurs investissements et leurs embauches et les français, au lieu de consommer, essaieront pour ceux qui le peuvent, d'augmenter leur bas de laine.
Qui pourrait le leur reprocher ?
Il en est, aux extrêmes, que tout cela réjouit.
Je reviens d'un monde mille fois martyrisé et mille fois menacé, encore aujourd'hui.
Je reviens d'un monde de dignité.
Je reviens d'un monde de courage
Je reviens d'un monde où les peuples se rappellent leur histoire.
Je reviens d'un monde où les gouvernements m'ont paru responsables.
Je reviens des Pays baltes qui avancent malgré Poutine à leurs portes.
Alors aujourd'hui, j'ai honte.
"On peut tromper la vie longtemps, mais elle finit toujours par faire de nous ce pour quoi nous sommes faits. Tout vieillard est un aveu, allez, et si tant de vieillesses sont vides, c'est que tant d'hommes l'étaient et le cachaient"
Malraux: La Condition humaine
Vous allez, sans doute, avoir assez de temps, monsieur le Premier ministre, pour méditer cela.