lundi 29 septembre 2025

 



                                    Il n'y a pas de quoi se réjouir.



Monsieur Zucman m'avait convaincu de vous écrire au sujet du projet de taxe qu'il a inventée et de vous dire le peu de bien que j'en pense. Le Premier ministre a enterré le projet. 

C'est un sujet important; partie remise peut-être.

La crise politique m'a conduit à relire le Noeud gordien ouvrage posthume du Président Pompidou et vous dire que je ne suis pas d'accord avec Le Clézio qui a écrit dans Chanson bretonne: "La nostalgie n'est pas un sentiment honorable". Car tout de même on volait plus haut en ce temps là, tellement plus haut. 

Partie remise.

Car je suis triste  de voir un ancien président de la République condamné, et non seulement condamné car cela il en a l'habitude,  mais condamné à la prison ferme.

Pas de bracelet électronique, non les barreaux. Comme un petit trafiquant,  comme un voleur à la tire, un gamin vendeur de haschich au pied d'une tour de banlieue ou un fraudeur à la taxe carbone.

Il en est certainement qui, rigolards, diront que monsieur Sarkozy, avocat,  est passé du barreau de Paris aux barreaux de la Santé.  Il n'y a pas pourtant de quoi rire.

Je ne le plains pas monsieur Sarkozy, enfin si, car les malheurs des autres ne me réjouissent pas. 

J'ai lu les 380 pages du jugement. Si je veux écrire sur ce verdict,  c'est bien le moins. 

J'en sors avec la conviction que l'on ne peut pas appliquer à ce procès et au verdict qui a été rendu cette phrase de John Le Carré dans Retour de services: "Parfois on se fait prendre pour des crimes que l'on n'a pas commis".

Contrairement à ce que je peux lire de la part d'esprits prétendument supérieurs,  le tribunal n'a été ni politique, ni haineux.

 Nicolas Sarkozy a été relaxé de trois des chefs d'accusation qui étaient portés contre lui: corruption, recel de détournement de fonds publics, et financement illégal de campagne électorale. Le tribunal ayant considéré que les éléments de preuve n'étaient pas constitués. 

Faut-il rappeler qu'en Correctionnelle contrairement aux Assises, l'intime conviction ne suffit pas; il faut des preuves. Bien qu'ayant douté des rocambolesques histoires qu'on lui a racontées le tribunal a jugé que les preuves lui manquaient.

Il n'a donc retenu que l'Association de malfaiteurs dont l'objectif était de préparer une corruption au plus haut sommet de l'État, avec le concours d'un pays étranger et, c'est moi qui l'ajoute, criminel contre la France.

En 2005, deux ans avant la présidentielle de 2007, il y eut des visites en Libye.

Claude Guéant directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, le 30 septembre. Il y rencontre Abdallah Senoussi, numéro deux du régime, beau-frère du dictateur et instigateur de l'attentat du DC 10 d'UTA ayant fait en 1989, 170 morts dont 54 français. Senoussi faisait l'objet d'un mandat d'arrêt international après avoir été condamné par la France à la réclusion à perpétuité. Claude Guéant a dit au tribunal avoir été piégé. 

Ce n'est pas tout, le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur rencontre le responsable d'un attentat ayant tué 170 personnes dont 54 Français et à son retour, il n'en parle pas à son patron qui doit faire le voyage quelques jours plus tard.

 Le 6 octobre Nicolas Sarkozy s'envole pour Tripoli et rencontre le "guide". C'était prévu.

Mais ce n'est pas fini. Le 21 décembre sous le prétexte évidemment fallacieux de mettre au point entre les deux pays un partenariat touchant aux collectivités locales - lesquelles n'existent pas en Libye- , Brice Hortefeux le meilleur ami de Nicolas Sarkozy -"son frère"- et son ministre délégué aux collectivités locales, s'envole pour la Libye où il rencontre ...Abdallah Senoussi, numéro deux du régime beau-frère du dictateur et instigateur de l'attentat du DC 10 d'UTA  ayant fait en 1989 170 morts dont 54 français. 

Comme Claude Guéant, il dit avoir été piégé et comme Claude Guéant, il dit n'en avoir pas parlé à son ami et patron.


Voyez-vous, pour moi la Cour ne pouvait que se dire "ces trois là se paient notre tête".

Et de se demander, c'est un minimum tout de même, tout cela dans quel but? Les débats ont en effet accrédité l'idée qu'il y avait eu quelque chose: tellement d'intermédiaires dont certains véreux dans quel but sinon essayer d'arranger la situation juridique de Senoussi en contrepartie de contrats et, ou d'avantages.  

Tenez par exemple. Monsieur Takieddine, paix à son âme,  intermédiaire douteux, réfugié au Liban,  participait à ces voyages. Et chose incroyable, peu de temps après 6,5 millions d'euros tombaient sur son compte.  Puis se sont envolés... on ne sait pas où, on ne peut pas prouver. 

Tenez par exemple. Monsieur Guéant a vendu pour 500.000 € deux tableaux d'un petit maître flamand dont il n' a jamais pu prouver qu'il en avait été propriétaire et qui, en tout état de cause, valaient au mieux 10 fois moins cher. Je vous fais grâce des inénarrables circuits que l'argent venant de Malaisie a empruntés pour arriver jusqu'à son compte bancaire en France.

Voulez-vous que je vous dise, encore, à côté des prévenus, au tribunal, il y avait des parties civiles, les proches de ceux dont la vie avait été fauchée par Abdallah Senoussi; elles avaient elles-aussi le sentiment qu'on se payait leur tête.

Reste l'exécution provisoire. Je n'aime pas l'exécution provisoire. Si la procédure d'appel existe ce n'est pas pour rien.

Nicolas Sarkozy et les autres condamnés ne sont pas des assassins de veilles dames, ni des violeurs de petites filles, susceptibles de recommencer demain. 

Mais à cela j'opposerai deux arguments:

Imaginons dans le bazar ambiant: Nicolas Sarkozy se présente à la présidentielle et l'emporte. Tout est terminé.

Plus sérieusement: ceux qui hurlent, Madame Le Pen notamment qui attend de savoir, sont les même, Nicolas Sarkozy compris, qui trouvent normal qu'on mette en taule sans délais les petits dealers ou les voleurs de bicyclettes.

C'est l'honneur d'une démocratie que des considérer qu'en la matière, pour citer Neuhoff dans Les Hanches de Laetitia "Balayeur ou Président de la République, c'est la même chose".


C'est une bien triste affaire qui, avec le reste, participe à l'abaissement de la France.

Décidément, il n'y a pas de quoi se réjouir.






3 commentaires:

  1. C’est terrible de lire ce catalogue. Il reste tant d’amertume et une immense tristesse. À quoi s’accrocher?
    Maï H-H

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  2. Le plus terrible c'est d'avoir eu l'idée d'un financement, par un personnage plus que douteux, d'une campagne présidentielle ! Des années de procédure, des dizaines de juges, des centaines de pages pour arriver à un jugement clair et nuancé. Et que se passe-t-il ? On hurle au déni de justice.Et depuis, on menace....de mort ceux qui ont eu le courage de faire leur travail. Quelle honte! On aurait pû rajouter 2 choses : Pourquoi avoir reçu à l'Elysée Mr Khadafi en grandes pompes? Et comment expliquer quelque temps après le déclenchement de la guerre en Lybie dont on constate aujourd'hui le résultat catastrophique ?
    Pour revenir au départ et à la taxe Zucman, j'y suis, mon cher Bertrand, plutôt pour!

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